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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 9 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Je souhaite clarifier la situation qui résulterait de l'adoption de ces amendements.

En premier lieu, la récidive n'y est nullement mentionnée, sinon dans l'exposé sommaire : le dispositif – corrigez-moi si je me trompe – est applicable dès la première décision, dès lors qu'elle entre dans les critères. Il est donc abusif, dans l'argumentaire juridique sur les effets du dispositif, de soutenir qu'il ne concerne que les récidivistes. Rien ne le dit.

Par ailleurs, on sait pourquoi le projet de loi a prévu que l'hypothèse de la rétention devait figurer dans la décision de la juridiction correctionnelle ou d'assises : sans cela, la mesure n'était pas applicable. La juridiction de jugement doit en effet poser l'éventualité de la rétention pour que le juge de l'application des peines mette en oeuvre, deux ans avant l'expiration de la peine, le dispositif : il faut le rappeler car on l'oublie souvent. Je le dis à l'attention de collègues qui ne sont pas forcément de grands pénalistes – ce qui est d'ailleurs mon cas – : c'est la seule technique que le Gouvernement a trouvée pour que le dispositif puisse être enclenché deux ans avant l'expiration de la peine. Or cette technique est aberrante sur le plan de la procédure puisqu'une telle obligation incombe à la juridiction de jugement – le plus souvent la cour d'assises –, c'est-à-dire celle-là même qui aura à se prononcer sur la durée de la peine.

Je serais très intéressé par la réflexion de Mme la garde des sceaux sur l'utilisation de la mesure par les cours d'assises. Que se passera-t-il si l'une d'elles estime qu'un individu très dangereux, pas nécessairement récidiviste mais ayant commis un acte inadmissible, est pénalement responsable ? En effet, comme l'a justement souligné hier Mme la garde des sceaux, il ne faut pas confondre : nous ne parlons pas ici de malades mentaux mais de gens dangereux et responsables, puisque cette partie du projet de loi ne concerne pas les individus déclarés irresponsables, qui ne font pas l'objet de condamnations. La cour d'assises, disais-je – puisque c'est surtout elle qui sera concernée –, préférera-t-elle prononcer une peine de quinze ans de réclusion criminelle, moyennant une rétention de sûreté, à une peine de vingt-cinq ans assortie d'une peine de sûreté ? En réalité, si l'intime conviction – essentielle dans une cour d'assises qui représente le peuple français – ne s'y oppose pas, la gravité des faits jugés imposera une peine supérieure à quinze ans : ceux qui connaissent un peu les cours d'assises le savent bien. À mon avis, votre dispositif ne sera donc pas appliqué à des criminels encourant une peine longue, supérieure au seuil des quinze ans, et il sera intéressant d'en observer l'utilisation dans les années qui viennent. Si tel était le but recherché, à quoi bon une telle mayonnaise ?

Il y a un vrai problème technique, s'agissant d'un objectif que nul, par ailleurs, n'a jamais contesté : je le dis, non sans amertume, à l'intention de ceux qui ont prétendu hier que nous étions sans émotion et sans humanité. Nous posons, je le répète, une question technique : le dispositif ne risque-t-il pas de se retourner contre ses objectifs dans les décisions de cours d'assises ?

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