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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 21 juillet 2009 à 15h00
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je voudrais vous remercier d'avoir, ce matin, au sein de notre assemblée, remis de la culture dans un débat qui n'aurait jamais dû s'en éloigner. Car c'est bien de culture et de création qu'il devrait être question aujourd'hui, malgré l'austérité du texte que vous nous proposez. De culture, c'est-à-dire de la manière de la soutenir et de la favoriser dans un univers numérique qui change chaque jour nos usages, nos pratiques et notre rapport aux oeuvres.

Monsieur le ministre, vous avez convoqué Platon à cette tribune, à travers le livre II de La République. J'aimerais que nous en poussions la lecture jusqu'au livre VII. Comme vous le savez, le philosophe y développe l'allégorie de la caverne : des hommes enchaînés dans un lieu souterrain, dos à la lumière, ne voient pour toute réalité que des ombres projetées sur la paroi par le feu qui brûle derrière eux. La réalité est ailleurs, dans la lumière aveuglante du soleil absent.

Depuis le 23 juin dernier, je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez enchaîné dans la caverne de la rue de Valois.

Filant la métaphore que vous avez entamée ce matin, nous ne pourrons pas ne pas évoquer deux ombres qui planent sur cette caverne.

Il s'agit tout d'abord de celle de Renaud Donnedieu de Vabres, que vous avez omis de citer parmi vos prédécesseurs. Il restera comme le ministre des mesures techniques de protection – MTP –, présentées comme le saint Graal technologique, avant d'être piteusement abandonnées par les lobbies qui avaient aidé à la préparation de la loi « DADVSI ».

Il s'agit ensuite des mânes de Gygès. Platon en fait un berger qui utilise un anneau magique pour tuer le roi Candaule et prendre sa femme en même temps que le pouvoir. Or, chez Hérodote, il n'y a pas plus de clic que de magie. Dans le livre premier de son Histoire, Hérodote présente, avant Platon, un Gygès forcé par Candaule d'observer la nudité de son épouse pour en vérifier la beauté. Se considérant comme outragée, la reine contraint Gygès à choisir entre la mort ou l'assassinat du roi. Après avoir tenté de fléchir la reine, Gygès se résout à tuer Candaule. Vous avez également oublié de préciser, monsieur le ministre, que, parvenu sur le trône de Lydie, Gygès sera le mécène de Delphes, cité d'Apollon et des arts. Vous le voyez : le monde est différent hors de la caverne.

Poursuivons le défilé des ombres de la rue de Valois : maintenant s'avancent celles des chiffres qui dansent sur les murs et dans vos discours : 450 000 films téléchargés par jour en France. D'où vient ce chiffre étonnant, de quelle expertise indépendante, fondée sur quelle méthodologie ? Où sont les études qui le confirment ? La seule étude contrôlable sur le téléchargement illégal dont nous ayons connaissance a été menée à Paris XI. Elle indique que les internautes qui téléchargent le plus sont également ceux qui achètent le plus de CD et de DVD.

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