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Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 12 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 24

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

Si ! L'article 24 a trait aux soldes : mon amendement est donc fondé.

J'ai appris avec étonnement que sur un total d'environ 500 millions d'ouvrages vendus, on compte entre 80 et 100 millions de livres invendus, soit entre 16 et 20 %. Ce chiffre, exceptionnellement élevé par rapport à tous les autres secteurs de l'économie, montre que dans le secteur du livre, il n'y a pas de régulation efficace des invendus.

Mes découvertes ne se sont pas arrêtées là : selon mes informations, 30 % des retours d'invendus sont remis dans le circuit – exportations, solderies, stocks. Le moins qu'on puisse dire est que cette affaire est marquée par un silence pesant. On estime à environ 70 millions, même s'il faut prendre ce chiffre avec prudence, le nombre de livres neufs détruits chaque année dans notre pays. Si, pour les livres de poche, le pilonnage est systématique, il l'est moins pour les livres illustrés.

La découverte d'une telle réalité, mes chers collègues – 70 millions de livres neufs détruits chaque année – m'a choqué. Comment peut-on instaurer une législation spécifique sur la nature particulière du livre et ne pas réagir devant un tel gaspillage ?

Oui, le livre est un bien à part, c'est un support de culture, et cette identité particulière mérite notre respect et justifie une législation d'exception. Mais ce respect doit se prolonger tout au long de la vie d'un livre ! Comment justifier que des livres soient détruits plutôt que distribués à titre gratuit ou soldés à des familles ou des associations nécessiteuses qui, de toute façon, ne les auraient pas achetés dans les circuits commerciaux ?

Face à cette situation, j'ai voulu diminuer le nombre de livres invendus et détruits avec une méthode simple, appliquée dans tous les secteurs de l'économie : les soldes.

Or, la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite loi Lang, interdit dans son article 5 les rabais supérieurs à 5 % pendant vingt-quatre mois après leur édition et pendant les six mois qui suivent le dernier réapprovisionnement. Pourquoi ? C'est un mystère !

Or, l'immense majorité des livres a une durée de vie de plus en plus courte, puisqu'ils ne restent en moyenne que trois mois en rayon et qu'ils sont très souvent détruits par le pilon douze à vingt-quatre mois après leur édition.

Compte tenu de ce cycle, il nous est apparu qu'autoriser des rabais supérieurs à 5 % sur les livres douze mois après leur parution leur donnerait une seconde vie et permettrait de réduire leur coût, sans pour autant nuire aux libraires. Tel est l'objet de l'amendement que j'ai déposé après l'article 24.

Cet amendement a suscité de nombreuses réactions. Si certaines sont très intéressantes, comme celles de Jean-Pierre Delbert, libraire à Agen, et de Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition, la plupart sont irrationnelles et hystériques. Elles m'ont encouragé à continuer mon investigation.

Ces réactions révèlent la crispation du monde du livre par rapport à l'évolution du contexte économique, avec la montée de la vente en ligne, et environnemental – la sensibilité écologique des Français, en 2008, n'a rien à voir avec celle des années quatre-vingt. J'ai même été traité de député imbécile au cours d'une émission de radio ! Mais le pompon, en matière d'hystérie, revient à Mme Teresa Cremisi, PDG de Flammarion, qui a jugé mon argument digne d'un évadé de l'asile de Charenton ! Sans la connaître, j'imagine que cette personne est une écologiste exemplaire et une authentique démocrate… (Sourires.)

Cela dit, des arguments raisonnables et sérieux ont été avancés contre mon amendement. J'en retiens deux : une part significative des livres sont vendus au-delà d'un an – il est clair que l'éventualité de soldes peut présenter un risque de déstabilisation pour les libraires ; par ailleurs, si la baisse du prix de vente est efficace pour les beaux livres, elle ne l'est pas pour les livres d'actualité ou les livres de poche. Je suis prêt à en débattre.

Mais le dysfonctionnement dans le circuit de commercialisation du livre aboutit à un gaspillage inacceptable, qui doit être dénoncé. Mes interlocuteurs n'ont pas avancé le début d'une solution pérenne pour y mettre fin !

La génération du Grenelle de l'environnement ne saurait tolérer une telle gabegie. J'attends donc du Gouvernement et de la filière du livre qu'ils agissent pour corriger ce dysfonctionnement. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que nous en discutions dans cet hémicycle, car c'est là que doivent être débattus les problèmes de la société française. Les réponses qui nous seront faites détermineront notre attitude pour la suite de notre discussion.

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