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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 12 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Jusqu'à présent, tout producteur, commerçant ou industriel pouvait voir sa responsabilité engagée s'il pratiquait à l'égard d'un partenaire économique des prix, des délais de paiement ou des conditions de vente discriminatoires.

Or cet article supprime purement et simplement ce régime, pourtant protecteur des fournisseurs, au nom d'une plus grande liberté dans la négociation, ce qui se marie assez bien, du reste, avec la dépénalisation du droit des affaires à venir.

Vous prétendez que cette suppression va permettre une « utilisation sereine par les fournisseurs des marges de différenciation tarifaire ». Pourtant, au vu du rapport de force inégal entre producteurs et distributeurs, cette « utilisation sereine » sera essentiellement le fait des distributeurs eux-mêmes. Les donneurs d'ordre vont ainsi pouvoir obtenir des avantages non justifiés par des contreparties réelles. En supprimant l'interdiction de cette discrimination, l'article empêchera que le fournisseur puisse arguer d'une telle discrimination pour faire relever le prix d'achat de ses marchandises.

Or, de manière cohérente, le constat d'un rapport de force inégal que je viens de dénoncer est littéralement évacué de ce projet de loi, ce que confirme la suite de l'article. En effet, la réparation du préjudice subi par le producteur du fait d'un abus de la relation de dépendance est tout simplement supprimée par ce texte.

La justification officielle est tirée du rapport de Mme Marie-Dominique Hagelsteen suivant lequel cette disposition était « très peu appliquée », seules deux décisions ayant été rendues depuis 2001. Bref, le législateur devrait supprimer une loi protectrice parce que l'État ne se donne pas les moyens de la faire appliquer. On croit rêver, mes chers collègues ! Autant supprimer les limites de vitesse parce que les conducteurs roulent trop vite.

Il est prétendu que cette libéralisation sera contrebalancée par une augmentation des sanctions, mais il y a fort à parier que cette disposition restera lettre morte dans la mesure où les moyens accordés à la DGCCRF sont en constante diminution. Pour reprendre ma métaphore routière, à quoi sert d'augmenter les contraventions s'il n'y a pas de policiers pour sanctionner les conducteurs ?

Alors qu'importe si le projet de loi maintient formellement les conditions générales de vente à l'article 21 dans la mesure où le donneur d'ordre n'engagera plus sa responsabilité du fait d'une discrimination abusive ou d'une relation de dépendance.

Là est toute l'hypocrisie de ce projet de loi, laquelle caractérise d'ailleurs, de manière générale, l'oeuvre de démolition entamée par Nicolas Sarkozy : on garde les cadres formels de l'intervention publique en la vidant totalement de son contenu. Sur le papier, tout est conservé : conditions générales de vente, sanctions, etc. Dans la réalité, tout cela devient inapplicable. Monsieur le secrétaire d'État, imaginez-vous qu'au Louvre, on ne garde que le cadre de La Joconde et qu'on mette à la place de la toile une photo de Doc Gyneco avec Nicolas Sarkozy ? (Sourires.)

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