Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 21 novembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la problématique du pouvoir d'achat, qui est l'une des préoccupations principales des Français, se situe à deux niveaux essentiels : d'une part, la maîtrise des prix à la consommation, que le passage à l'euro et certaines pratiques commerciales ont fait exploser et, d'autre part, le maintien d'un commerce de proximité, avec des emplois très locaux et une juste rémunération des producteurs, notamment des PME et des agriculteurs, ces deux secteurs étant victimes de certains comportements de la part de la grande distribution, qu'il s'agisse de la concurrence déloyale par rapport au commerce de détail ou des dérives des marges arrière pour ce qui est des relations avec les producteurs.

Avant d'analyser le texte plus en détail, je tiens à évoquer l'un des problèmes majeurs de la société française. Depuis des décennies, on a favorisé la concentration dans la distribution, en théorie au bénéfice du consommateur, mais, en réalité, au détriment des producteurs – et, plus particulièrement, des plus petits d'entre eux. Ainsi, nous avons, plus qu'ailleurs, favorisé les délocalisations.

Élu de l'agglomération de Castres, qui a perdu en quinze ans 6 000 emplois industriels, principalement dans le textile, je sais bien ce qu'il en coûte socialement. Si cette implacable logique se poursuit jusqu'au bout, c'est tout notre tissu industriel – PME d'abord, puis prestataires de services – qui sera sacrifié sur l'autel d'une mondialisation désordonnée. Rappelons-nous que chaque producteur est consommateur, et vice versa, que leurs intérêts sont liés et qu'il est irresponsable de sacrifier le premier au profit du second. Nous avons besoin de rééquilibrer la situation et mon intime conviction est que ce texte y contribue. Ce projet de loi est donc crucial, car il aborde ces enjeux avec des mesures précises et claires.

Nous approuvons la suppression des marges arrière par le passage au triple net comme calcul du seuil de revente à perte, pour faire apparaître la vérité sur les prix, et surtout sur les marges des différents acteurs.

Les consommateurs et les fournisseurs-producteurs attendent cette réforme, les premiers pour juger la crédibilité des campagnes publicitaires des grandes enseignes, les seconds pour pouvoir y voir plus clair au niveau de leur comptabilité – c'est d'ailleurs l'objet d'un sous-amendement que j'ai déposé, qui vise à faire apparaître sur la facture des produits le pourcentage de la négociation commerciale – et pour mieux orienter leur stratégie commerciale et leurs moyens de production sur le long terme.

Nous soutenons, bien entendu, la disposition du titre II visant à une meilleure protection des consommateurs, en regrettant toutefois le temps perdu, notamment sur le chapitre « Nouvelles technologies et service après vente » – je rappelle en effet qu'au cours de la précédente législature, lors de l'examen des lois sur les télécommunications, le groupe UDF avait formulé, sans succès, des propositions. Malgré la victoire remportée avec le passage à la facturation à la seconde, et ce grâce à la pugnacité de M. Jean Dionis du Séjour, contre les lobbies des télécoms, que de temps perdu !

En dépit de ses aspects très positifs, il faut bien reconnaître que le projet de loi s'inscrit dans un contexte français très particulier, où la libre concurrence est souvent faussée par des positions d'oligopole, dans le domaine des NTIC comme dans celui de la grande distribution. Le fait, par exemple, que la grande distribution représente en France près de 70 % des débouchés des filières agricoles lui donne carte blanche pour décider entre oligopoles, unilatéralement et sur tout le territoire, du prix à payer aux producteurs pour les marchandises. Dans aucun autre pays du monde sans doute le rapport de forces entre production et distribution n'est à ce point déséquilibré. Les pactes sur les prix des opérateurs de téléphonie mobile, récemment dénoncés par la DGCCRF en sont une illustration.

Pour faire face à cette situation, il ne faut pas déréglementer à tout va dans ces secteurs, comme le propose à certains égards le rapport Attali, mais plutôt créer de véritables outils de pilotage de l'économie des territoires et de contrôle ou de sanction des abus et des dérives.

Pour le premier volet, je crois à la capacité des acteurs locaux de jouer un rôle d'équilibre et de prospective en matière tant commerciale qu'économique.

Élu dans le Tarn, deuxième département de France en nombre de mètres carrés de grande surface par habitant, je suis convaincu qu'il faut par tous les moyens préserver un schéma d'équilibre commercial, dans nos villes et périphéries, entre le développement des grandes surfaces et le maintien d'un commerce de proximité – petites et moyennes surfaces – des centres-villes, des quartiers et du secteur rural. À cet égard, il faudra à l'avenir réfléchir sur l'adaptation du système des commissions départementales d'équipement commercial – ou CDEC –, dans l'intérêt certes des consommateurs, mais aussi dans celui de l'aménagement du territoire, en veillant à la complémentarité avec les schémas de développement du commerce au niveau des agglomérations, voire des pays, mais en gardant un principe de régulation, de contrôle et d'équilibre.

Toujours dans ce cadre, je ne pense pas que les perspectives d'ouverture généralisée des magasins le dimanche soient une bonne chose. Au-delà des éléments sociétaux plus généraux, tant pour le salarié que pour l'équité entre les différents modes de distribution, la situation actuelle d'un principe de fermeture assorti d'exceptions et de dérogations est un point d'équilibre qu'il ne faut pas remettre en cause.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion