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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 5 juin 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Reprise de la discussion, amendement 744

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Notre amendement entend préciser, pour éviter toute ambiguïté, que l'article 12 relatif à la neutralisation et au lissage des règles applicables aux entreprises en cas de dépassement de certains seuils d'effectif a un impact qui se limite strictement à leurs obligations financières. A contrario donc, les dispositions de cet article sont sans incidence sur les obligations sociales des employeurs, lesquels restent tenus par les règles du code du travail en matière d'institutions représentatives du personnel dont l'application est déclenchée par le franchissement des seuils de dix et cinquante salariés.

Cette précision est d'autant plus utile et opportune qu'il semble bien que les seuils sociaux soient dans le collimateur de la majorité présidentielle. Il importe donc de savoir si vous passez subrepticement de mesures financières à des mesures affectant le droit du travail.

En témoigne le récent rapport des députés UMP qui, dans le prolongement des conclusions du supplétif Attali au nom de la commission pour la libération de la croissance, place l'assouplissement des seuils sociaux parmi les trente propositions « ultra-prioritaires », bien avant la simplification du régime fiscal applicable aux entreprises.

Dans la droite ligne des mesures avancées par le Medef – M. de Virville l'évoquait depuis des années déjà –, refait ainsi surface l'idée d'une fusion de l'ensemble des instances représentatives – délégués du personnel, délégués syndicaux, comité d'entreprise, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail –, en une seule entité pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés. L'antienne est connue : les garanties entourant l'exercice du droit syndical et du droit à la participation dans le code du travail sont autant d'obstacles et de freins à l'emploi. Pour faciliter la vie des chefs d'entreprise, il faudrait en finir avec toutes les institutions permettant la représentation et l'expression collectives des salariés et privilégier le tête-à-tête employeur-salarié, au nom du dialogue – comme s'il existait un rapport d'égal à égal entre eux –, ainsi que la négociation de gré à gré de l'ensemble des règles entourant la relation de travail.

Ce n'est donc pas un hasard si, aujourd'hui, au détour d'amendements au projet de loi dit de modernisation de l'économie, ressurgit subrepticement la proposition d'un gel des seuils sociaux en matière d'instances représentatives du personnel pendant une durée de trois ans. À cet égard, l'amendement porté par trois anciens ministres et adopté par la commission des affaires économiques – nous en rediscuterons – est inacceptable dans son principe. Même à titre expérimental, les entreprises ne peuvent être exonérées de leur obligation d'organiser les élections des délégués du personnel d'un comité d'entreprise. Il est également scandaleux dans sa méthode, pour reprendre les termes employés par la CFDT, dans la mesure où les partenaires sociaux viennent de conclure une position commune portant justement sur la représentativité syndicale et la représentation du personnel dans les entreprises. On ne peut prétendre défendre à cor et à cri l'autonomie des partenaires sociaux, vanter les mérites du renouveau du dialogue social et, dans le même temps, fouler aux pieds le fruit de celui-ci.

Dans la discussion générale, Mme la ministre a tenu à rappeler que le lissage et le gel des seuils n'étaient envisagés que dans leurs conséquences financières et qu'il n'était pas question d'aborder leurs conséquences sociales. En toute logique, le Gouvernement devrait accueillir favorablement notre amendement n° 744 qui a ni plus ni moins cet objet. Il devrait, en revanche, s'opposer sans équivoque à celui de nos collègues La Raudière, Vautrin, Loos, Jacob, Forissier, Charié et Poignant, à moins que vous ne soyez tous membres du club des amis de Mme Thatcher. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.– Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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