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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 12 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, aux termes de l'article 3, tous les foyers ayant souscrit un crédit immobilier pour acquérir leur résidence principale pourront, pendant les cinq premières années, retrancher 20 % des intérêts de leur impôt sur le revenu.

En valeur absolue, l'impact d'une telle mesure sera, nous le savons, limité. Il représentera en gros, pour un emprunt équivalent à 200 000 euros, une réduction d'impôt annuelle de 1 500 euros pour un couple, 750 euros pour un célibataire et 100 euros supplémentaires par personne à charge. C'est un petit coup de pouce, certes, mais avouez que le gain sera tout de même limité. Si l'on s'exprime en mètres carrés, un ménage empruntant 250 000 euros se verra ainsi rembourser 3,8 mètres carrés en province et seulement 2,4 mètres carrés en Ile-de-France. Selon Les Échos, la solvabilité des emprunteurs sera améliorée à la marge : 20 000 à 30 000 demandes seulement devraient devenir solvables par l'effet de votre mesure. C'est toujours ça de pris, me direz-vous. Oui, à condition de considérer que les primo-accédants seront les premiers bénéficiaires du dispositif.

Mais le véritable bénéfice de la mesure est peut-être à chercher ailleurs, du côté des milieux bancaires et des acteurs du secteur immobilier qui s'agitent frénétiquement.

D'un côté, le principal impact de cet avantage fiscal pourrait bien être, toujours selon Les Échos, de « limiter la baisse du marché du crédit » – qui ne sera plus de 6 % cette année, mais de 3 % – tandis que « la hausse des taux effacera bientôt pour partie », pronostique le directeur des services financiers au BIPE, « les gains de la mesure pour les ménages ».

De l'autre, votre cadeau fiscal pourrait bien, et c'est notre principale crainte, se traduire par une relance, au moins temporaire, de la spéculation immobilière. À l'évidence, les vendeurs vont voir dans ce bonus octroyé aux acheteurs un argument supplémentaire pour résister à la pression à la baisse des prix. Alors qu'ils prévoyaient encore en mars une diminution des prix de 2 % cette année, ils anticipent désormais, grâce à votre mesure, une hausse de 3 %.

Ces effets pervers ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une stratégie de fuite en avant fiscale, qui tolère des usages successifs de la mesure, alors qu'il convenait de la réserver aux primo-accédants. La loi portant engagement national pour le logement prévoyait des pare-feu, en particulier pour le prêt locatif social, le PLS, avec un plafond et un critère de zone géographique : la localisation dans un périmètre de 500 mètres autour des sites ANRU. La conditionnalité du dispositif permettait de le mettre au service de deux objectifs incontestables : permettre aux couches sociales moyennes d'accéder à la propriété et favoriser la diversité dans certains secteurs. Aujourd'hui, plus rien ne vient contrecarrer d'éventuels détournements très éloignés des buts présentés dans l'exposé des motifs.

Plutôt que d'allumer des contrefeux face à la spéculation immobilière et de lutter contre les comportements prédateurs de certains investisseurs, vous préférez sacrifier une partie des recettes de l'État, au risque de créer des effets d'aubaine, que nous sommes nombreux à redouter. Ce motif nous semble suffisant pour refuser l'adoption de l'article 3, s'il reste en l'état.

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