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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 15 juillet 2009 à 15h00
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Mais force est de constater que nous n'y retrouvons pas grand-chose des huit séries de propositions dégagées dans le rapport de Pierre Ferracci. Lui-même indiquait récemment à propos du projet de loi : « Ce qui est en train de se passer risque de rendre encore plus confus et obscur le système si la gestion des prérogatives n'est pas réglée. »

Le gouvernement a ensuite contraint les partenaires sociaux à négocier – dans l'urgence là aussi, et sous la menace implicite de remettre en cause le financement du paritarisme – pour que finalement nous ne délibérions que six mois après l'accord, au coeur de l'été. C'est si vrai qu'ils ont eu le temps, la semaine dernière, d'en signer un autre, qui porte précisément sur les réponses à apporter à la crise !

Bref, si l'urgence est souvent invoquée, c'est en réalité à chaque fois pour permettre au Gouvernement d'imposer son point de vue, voire de passer en force.

Pour satisfaire le souhait louable d'échapper au cloisonnement en fonction des statuts, il est proposé à l'ensemble des acteurs de financer l'ensemble des publics concernés : c'est pour l'État une manière de remettre son oeil partout, voire, je le crains, d'organiser la confusion et ainsi – vieille tactique – de se remettre au centre du jeu. Il aurait au contraire fallu préciser les rôles de chacun.

Pour clarifier la gouvernance au niveau régional, nous soumettrons un amendement visant, à l'inverse de ce que propose M. Vercamer, à supprimer le Conseil régional de l'emploi, créé par la loi de février 2008 portant création de l'opérateur unique. À l'époque déjà, nous avions indiqué que cette nouvelle instance présidée par le préfet de région apporterait plus de confusion que de solutions. Un débat avait eu lieu, notamment avec le président Méhaignerie, pour voir si l'on ne pouvait pas faire d'autres expérimentations.

Nous proposons pour notre part que le lieu unique de coordination soit le Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, qui existe depuis des années et qui est co-présidé par le préfet et le président de région – même s'il nous semblerait préférable qu'il soit uniquement présidé par le second.

Contrairement à ce qui est répété à l'envi, le vrai problème auquel nous sommes confrontés n'est pas tant l'accès à la formation de tous les publics, mais l'accès à des formations qui débouchent sur un véritable emploi. J'étais encore la semaine dernière à un forum de l'emploi, comme il y en a beaucoup. De nombreux salariés, et bien sûr de nombreux demandeurs d'emploi, y participaient. Tous ceux qui se sont exprimés avaient suivi, ou subi, des formations – souvent deux, trois, quatre, à des métiers différents. Leur problème, c'est que ces formations débouchaient à chaque fois soit sur un petit contrat, soit sur rien du tout. C'est cela, le vrai problème !

Les dysfonctionnements du système de formation reflètent en grande partie ceux du marché du travail et la difficulté de prévoir les besoins. La solution semble plutôt d'aller, comme l'expliquait Monique Iborra, vers des rapprochements avec les entreprises, éventuellement avec les branches, et avec les partenaires sociaux au niveau des territoires, sous l'égide des conseils régionaux, afin de bâtir des conventions. Comme le disait notre collègue, de nombreux accords allant dans ce sens sont en train d'être signés dans les régions et nous souhaitons qu'ils puissent bénéficier du fonds de sécurisation.

Mais il semble bien que vous fassiez le choix de miser pleinement sur Pôle Emploi. Pourtant, selon l'aveu même de son directeur, que nous avons auditionné ici et au Conseil national de la formation tout au long de la vie, l'opérateur unique n'a pas eu le temps de définir nettement ses missions en matière d'orientation et de formation. Cela ne l'empêche pas, pourtant, de multiplier les appels à projets massifs, pluriannuels et centralisés à destination des organismes de formation, sans véritable approche territoriale. Je crois que c'est un problème sur lequel nous devons nous pencher, de façon vraiment urgente cette fois.

Ne craignez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, que, déjà mis en difficulté par le processus de fusion et l'explosion du chômage, Pôle Emploi ne soit pas en mesure de faire face à l'ensemble des missions que vous semblez vouloir lui confier ? D'autre part, la juxtaposition de ces programmes de formation ne risque-t-elle pas d'entretenir la confusion – à moins que vous ne souhaitiez faire de Pôle Emploi l'opérateur unique en matière de formation des demandeurs d'emploi ?

Je voudrais dire un mot sur la directive services, qui est totalement oubliée dans ce texte alors qu'elle doit être transcrite avant la fin de l'année.

En refusant de transcrire cette directive dans une loi-cadre, vous faites l'impasse sur ses conséquences pour la formation professionnelle. Nous proposerons un amendement qui vise à exclure la formation professionnelle du champ d'application de cette directive et à permettre aux régions de construire de véritables services publics régionaux de la formation.

Je signale d'ailleurs que la question de l'ouverture à la concurrence risque aussi de se poser pour le service public de l'orientation – d'où la formulation ambiguë, dont nous avons parlé en commission, de « mission d'intérêt général d'information et d'orientation » – et pour les nouvelles missions confiées aux OPCA, auxquelles je suis favorable. Même si vous avez refusé jusqu'à maintenant de l'évoquer, vous n'échapperez pas à la question de la liberté de choix par les entreprises.

Je pourrais multiplier les exemples démontrant que cette loi n'est pas à la hauteur des enjeux et qu'elle élude les vrais problèmes, notamment le rôle et les obligations des entreprises en matière de formation.

Ce texte s'apparente en fait à un patchwork de mesures qui confine à l'obésité législative. Alors que certaines dispositions relèvent du règlement ou de la simple négociation collective, comme le bilan d'étape professionnel ou le passeport formation, une législation normative risque d'être en définitive plus dangereuse qu'efficace pour les salariés.

J'ai souhaité insister sur le fil blanc qui relie toutes ces mesures ensemble, à savoir la reprise en main par l'État du système de formation professionnelle, avec la convention cadre pour le fonds de sécurisation et l'obligation de signature du préfet pour le plan régional de développement de l'information. Pourtant, le système de formation n'est jamais aussi dynamique que lorsqu'il s'appuie pleinement sur la capacité contractuelle des partenaires sociaux et sur la capacité d'expérimentation et d'innovation des collectivités locales, mais également des entreprises.

C'est pourquoi je soutiendrai les amendements du rapporteur qui concernent principalement des expérimentations en faveur des jeunes, notamment sur le tutorat, à l'exception précisément de l'amendement proposant aux préfets de lancer leurs propres dispositifs à grand renfort d'opérateurs privés de placement qui, de nouveau, entreraient en concurrence avec les autres dispositifs. Il faut cesser d'envoyer des messages de défiance aux acteurs de terrain, telles les missions locales, et soutenir les dispositifs d'initiative locale qui fonctionnent, comme les écoles de la deuxième chance.

En matière d'emploi, c'est une nouvelle couverture sociale et non un patchwork de mesures qu'il nous faut inventer. La trame de la sécurisation des parcours professionnels ne peut être qu'une formation professionnelle rénovée par l'assurance du droit pour tous à la deuxième chance.

En l'état, ce projet de loi ne fait pas progresser la formation tout au long de la vie telle qu'elle est requise par la stratégie de Lisbonne de construction d'une société de la connaissance et de l'innovation. D'ailleurs, plus personne n'y a fait référence aujourd'hui.

Même s'il comporte des avancées indéniables…

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