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Intervention de Gérard Cherpion

Réunion du 15 juillet 2009 à 15h00
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales :

… dont il traduit le résultat, l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009. L'apport peut-être le plus significatif de cet accord réside dans l'affirmation d'une responsabilité des partenaires sociaux quant à l'accès à la formation des demandeurs d'emploi. Par ailleurs, l'objectif d'un accès plus large et plus égal à la formation, déjà présent dans l'accord de 2003, est réaffirmé. S'il est vrai que des résultats ont été obtenus – le taux d'accès des salariés à la formation continue chaque année est passé de 34 % à près de 41 % de 2002 à 2006 –, il reste effectivement beaucoup à faire en la matière : le taux d'accès des cadres et des professions intermédiaires à la formation est le double de celui des ouvriers ; celui des salariés des entreprises de plus de 2 000 salariés représente le quadruple de celui des entreprises de dix à vingt salariés, M. le secrétaire vient de le rappeler.

Le projet de loi poursuit deux grandes séries d'objectifs. Il s'agit de faire de la formation professionnelle un outil efficace de la sécurisation des parcours professionnels, notamment en l'orientant mieux vers les salariés les moins qualifiés ou les plus fragiles ainsi que les demandeurs d'emploi. Il s'agit aussi de rendre l'ensemble du système plus lisible, plus transparent et donc plus efficace.

S'agissant de la réorientation des fonds vers ceux qui en ont le plus besoin, la mesure emblématique est naturellement la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels qui, avec 900 millions d'euros, disposera de trois fois plus de moyens que l'instrument actuel de mutualisation entre OPCA, le fonds unique de péréquation, le FUP. Je voudrais également saluer l'ouverture d'une possibilité de prise en charge par les OPACIF des formations suivies à l'initiative des salariés hors temps de travail, c'est-à-dire les cours du soir, qui répondra à une demande sociale forte, notamment dans les petites et moyennes entreprises où il est souvent très difficile d'organiser des formations longues sur le temps de travail faute de pouvoir remplacer les salariés.

Pour ce qui est de l'objectif d'améliorer la gouvernance et la transparence du système, le projet de loi élargit les missions des organismes collecteurs agréés et promeut la nécessaire réorganisation de leur réseau. Cette réorganisation doit aussi permettre de mieux orienter les moyens vers les très petites et petites entreprises.

Naturellement, ce projet – très riche – contient de multiples autres mesures. Notre discussion nous permettra d'aborder dans le détail ces différents dispositifs, je ne m'attarderai donc pas, à ce stade, sur leur énumération, préférant évoquer les questions qui ont particulièrement retenu mon attention au cours de la préparation de ce rapport et qui ont conduit la commission à enrichir assez substantiellement le projet de loi initial. Quelque soixante-dix auditions m'ont, en effet, permis, au cours des dernières semaines, de prendre la mesure d'un certain nombre de préoccupations que je me suis efforcé de traduire en propositions d'amendements, qui ont été aujourd'hui, puisque tel est le principe de la réforme constitutionnelle, intégrées au projet soumis à la discussion. La commission des affaires sociales a, en effet, substantiellement amendé le projet de loi initial : elle a adopté 117 amendements, provenant de tous les groupes politiques et s'inscrivant dans plusieurs logiques.

Tout d'abord, ils visent à respecter au mieux les termes de l'accord des partenaires sociaux. Dans l'ensemble, le projet de loi du Gouvernement transcrit très bien l'accord des partenaires sociaux du 7 janvier dernier. Certains points de cet accord n'y avaient toutefois pas été repris. Il en était ainsi, par exemple, du principe selon lequel la formation professionnelle continue doit permettre à chaque salarié de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. La commission a repris ce principe et apporté plusieurs autres aménagements destinés à encore mieux prendre en compte la volonté des partenaires sociaux : elle a notamment renvoyé à une future négociation collective les modalités d'application du bilan d'étape professionnel, du fait des positions divergentes des organisations syndicales sur cette question, et associé les OPCA à la mise en oeuvre de la préparation opérationnelle à l'emploi.

Ensuite, la commission s'est efforcée de maintenir l'équilibre des circuits financiers et des acteurs. D'autres points, techniques, mais très importants au regard des enjeux financiers qu'ils représentent, faisaient, en effet, débat dans le projet de loi initial : c'était le cas des modalités de répartition du prélèvement finançant le nouveau fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels entre les sommes dues par les entreprises au titre du plan de formation et celles dues au titre des contrats et périodes de professionnalisation ; c'était aussi le cas des seuils d'effectifs – dix etou cinquante salariés – retenus pour la mise en oeuvre du dispositif de cantonnement de la collecte des organismes paritaires sur les petites entreprises, dispositif qui vise à éviter des transferts des fonds de la formation professionnelle des petites vers les grandes entreprises.

La commission des affaires sociales a souhaité apporter des éléments de réponse sur ces points. Afin d'éviter tout risque que l'instauration du nouveau fonds n'entraîne une ponction excessive des montants destinés à financer les contrats et périodes de professionnalisation ainsi que le droit individuel à la formation, elle a prévu une possibilité d'encadrement réglementaire de la répartition du prélèvement au bénéfice du nouveau fonds entre les participations « plan de formation » et « professionnalisation ». Afin de protéger les sommes destinées aux très petites et petites entreprises, elle a par ailleurs, comme le proposait la commission des affaires économiques, distingué trois sections dans les comptes des OPCA, délimitées par les deux seuils d'effectif de dix et cinquante salariés.

Dans le même souci d'équilibre, mais cette fois entre les acteurs, la commission souhaite une meilleure prise en compte du « hors champ », c'est-à-dire des secteurs et branches d'activités qui ne se reconnaissent pas dans les trois organisations patronales actuellement représentatives au plan national et interprofessionnel. Les organisations professionnelles du « hors champ » seront ainsi associées, suite à un amendement de la commission, non seulement à la répartition des moyens du nouveau fonds, mais encore à la procédure annuelle de fixation – entre 5 % et 13 % – du taux du prélèvement affecté au fonds.

La commission des affaires sociales a également adopté plusieurs amendements destinés à assurer une plus grande transparence dans le fonctionnement de la formation professionnelle. Elle propose ainsi de renforcer les possibilités de contrôle et d'instaurer, pour les formations excédant une durée qui sera fixée par voie réglementaire, l'obligation de signer une convention de formation entre l'acheteur de formation, l'organisme de formation et la personne concernée, qui pourra ainsi s'assurer que la formation qui lui est dispensée correspond bien aux engagements pris. Elle a aussi spécifié que la liste des organismes de formation dûment déclarés à l'administration sera diffusée sur Internet.

La commission a voulu prendre des mesures destinées à relancer le dialogue social au niveau des branches. Le dialogue social qui est conduit au niveau des branches professionnelles a souvent permis l'émergence d'innovations ensuite reprises dans des accords à portée nationale et interprofessionnelle puis, le cas échéant, par le législateur. La commission a donc enrichi la liste des thèmes sur lesquels, en matière de formation, les branches seront invitées à négocier périodiquement, en y insérant notamment la portabilité du DIF et la valorisation de la fonction de tuteur, en particulier pour les salariés les plus âgés.

S'inscrivant dans la même optique que les partenaires sociaux, la commission a souhaité apporter des réponses à l'ensemble des salariés et demandeurs d'emploi pour lesquels l'accès à la formation est aujourd'hui difficile alors qu'il est essentiel pour ces personnes. En conséquence, elle a complété la liste des bénéficiaires potentiels des concours du nouveau fonds en y citant les intérimaires et en y ajoutant les salariés à temps partiel, ceux dont la reconversion exige une formation longue, les personnes handicapées, les personnes éloignées de l'emploi et les personnes en contrat aidé. Elle a également adopté une disposition qui permettra aux salariés en contrat de professionnalisation licenciés pour motif économique de poursuivre cependant leur formation, qui restera prise en charge par l'OPCA concerné.

Pour ce qui est des salariés plus âgés, dont l'accès à la formation est également difficile, outre des mesures favorisant le développement du tutorat, la commission a adopté le principe, défendu par M. Jacques Kossowski, du droit à un entretien professionnel pour les salariés atteignant quarante-cinq ans, entretien qui permettra notamment de les informer de leurs droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, un bilan de compétence ou une action de professionnalisation.

Avant-dernier point, la commission a aussi souhaité affirmer le droit à l'information et à l'orientation professionnelles. Dans un domaine où des progrès très importants doivent manifestement être accomplis, celui de l'orientation professionnelle et de l'information sur la formation professionnelle, le projet de loi tel qu'il avait été déposé à l'Assemblée nationale pouvait être enrichi. Conformément aux annonces du Président de la République le 3 mars dernier à Alixan, la commission des affaires sociales a voulu affirmer le droit à l'information et à l'orientation professionnelles. Pour le mettre en oeuvre, elle a adopté l'amendement proposé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Anciaux, qui inscrit dans la loi le principe d'un service Internet de première information, lequel orientera les internautes vers les structures d'orientation à proprement parler.

Enfin, dernière série de mesures, mais non la moindre, j'ai souhaité, considérant la situation très difficile de l'emploi des jeunes, proposer des mesures fondées sur l'expérimentation et sur la contractualisation.

Le constat est, en effet, sévère. À court terme, le fait est que la crise économique actuelle touche particulièrement les jeunes. Selon les derniers chiffres disponibles, en un an, de mai 2008 à mai 2009, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B ou C a augmenté de 32,6 %, passant de 483 000 à 640 000, quand la hausse générale du chômage était de 18,4 %. En outre, d'un point de vue plus structurel, il est clair que les performances françaises en matière d'emploi des jeunes sont largement perfectibles.

Aussi, en complément des mesures à effet rapide annoncées par le Président de la République le 24 avril dernier et sans préjuger des conclusions de la commission présidée par M. Martin Hirsch, la commission a fait un ensemble de propositions dont certaines sont expérimentales.

Notre pays compte actuellement 600 000 jeunes en contrats d'alternance – apprentissage et professionnalisation – quand l'Allemagne, avec une population de 30 % supérieure, recense 1,6 million d'apprentis. Si les jeunes en alternance représentaient 5 % des effectifs de salariés, fonction publique comprise, ils seraient en France 1,1 million, soit 500 000 de plus qu'aujourd'hui. La commission souhaite donc engager les entreprises et leurs fédérations professionnelles dans une démarche volontariste, contractualisée avec l'État et de moyen terme, avec deux rendez-vous, en 2012 et 2015, de renforcement de leur accueil des jeunes en alternance.

De même, la commission propose de généraliser temporairement les clauses d'insertion au bénéfice des jeunes pas ou peu qualifiés dans les marchés publics.

La commission propose ensuite d'expérimenter un cadre juridique pour la conclusion de conventions d'objectifs entre le préfet et les opérateurs privés de placement sur le marché du travail, qui porteraient notamment sur l'identification des offres d'emplois non pourvues et la mutualisation des informations.

Afin de développer le tutorat en entreprise, la commission propose également d'autoriser, à titre expérimental, les entreprises à imputer sur leur obligation légale de financement de la formation professionnelle continue une part de la rémunération de leurs salariés tuteurs des jeunes qu'elles viennent d'embaucher, ainsi que les éventuelles gratifications accordées à ces tuteurs à ce titre.

Dans le même esprit, afin que l'apprentissage soit encore plus souvent un choix gagnant, il est proposé d'ouvrir la possibilité aux apprentis ayant achevé leur contrat d'apprentissage, sans que celui-ci ait été sanctionné par la validation d'un diplôme ou d'un titre, de demander à bénéficier de la prise en compte de leurs acquis en vue de l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle.

Un autre amendement de la commission, intégré au présent texte, concernant également l'apprentissage, vise à lever les obstacles de droit que rencontrent certains jeunes étrangers, pourtant en situation régulière et scolarisés, quand ils veulent passer un contrat de formation en alternance. Le volontariat international en entreprise est un remarquable outil d'insertion pour les jeunes diplômés, qui sert, en outre, les intérêts de nos entreprises. Il est donc proposé que les jeunes volontaires soient pris en compte pour déterminer le taux de jeunes en alternance dans l'entreprise en vue du calcul de la contribution additionnelle à la taxe d'apprentissage.

S'agissant des missions locales, il conviendrait de mesurer leurs résultats en matière d'insertion professionnelle et de conditionner une part de leur financement à ces derniers.

Enfin, il ne faut pas oublier les écoles de la deuxième chance qui représentent une véritable alternative pour les jeunes qui ont décroché du système scolaire, leur pédagogie spécifique leur permettant d'obtenir de bons résultats, malgré un public très défavorisé. La commission souhaite que soit posé le principe d'un déploiement complet et équilibré de leur réseau sur le territoire national.

S'agissant du volet de l'emploi des jeunes, j'ajouterai que les consultations que j'ai pu mener ces derniers jours m'ont conduit à déposer un nouvel amendement proposant un dispositif destiné à prendre en compte la situation des élèves sortant du système de formation initiale sans être diplômés du second cycle de l'enseignement secondaire. Il s'agit d'inscrire dans la loi le principe de l'organisation, dans chaque département, d'un dispositif de suivi des élèves décrocheurs associant l'ensemble des services concernés ainsi que celui de la transmission de leurs coordonnées aux missions locales et aux diverses parties prenantes de ce dispositif.

Voilà donc l'essentiel des propositions de la commission. Je souhaite que le débat qui s'ouvre aujourd'hui nous permette d'enrichir encore ce texte au profit d'un système de formation professionnelle plus lisible et plus efficace, véritable outil de sécurisation des parcours professionnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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