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Intervention de Laurent Wauquiez

Réunion du 15 juillet 2009 à 15h00
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

Laurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi :

…un cadre a une chance sur deux d'accéder à la formation professionnelle durant son parcours tandis qu'un ouvrier n'en a qu'une sur sept ! De plus, celui qui recherche un emploi – période durant laquelle le besoin en formation est le plus grand –, voit sa demande de formation rester lettre morte dans trois cas sur quatre. N'oublions pas non plus l'inégalité selon l'âge, qui est la plus patente : lorsque le salarié passe la barre des cinquante ans, âge auquel il doit réactualiser ses savoirs en vue de parcourir les dernières années de sa carrière professionnelle, il perd la moitié de ses chances d'accéder à une formation.

À ces inégalités selon la personne, il convient d'ajouter les inégalités totalement ubuesques, si on y réfléchit un peu, que sont les inégalités selon les entreprises. Aujourd'hui, plus l'entreprise est petite et moins elle a de moyens, moins elle bénéficie de la formation alors même qu'elle contribue, en réalité, à la formation dans les grands groupes. En effet, c'est l'argent de la formation des petites entreprises qui finance la formation dans les grands groupes du CAC 40 ! Un salarié dans une entreprise de moins de dix salariés a cinq fois moins de chances de se former qu'un salarié d'une entreprise de plus de 500 salariés. Ces inégalités, qui caractérisent le marché de l'emploi, sont, aujourd'hui, devenues insoutenables.

Il existe enfin des inégalités selon les territoires, puisque les possibilités d'accès à une formation professionnelle peuvent varier d'un à trois selon la région où l'on habite.

Notre système de formation est également trop cloisonné. Il est évidemment utile de raisonner en termes de branche professionnelle, mais non pas au point d'élever des murs qui freinent, voire interdisent à un salarié toute mobilité et le privent de toute possibilité de passer d'un métier à un autre. Nous avons besoin non seulement de financer les métiers de demain, qui se développent et n'appartiennent pas nécessairement aux branches professionnelles structurées existant actuellement, mais également d'aider les salariés à passer d'une branche à une autre. Un système qui prévoit un financement différent pour les banques et pour les assurances, voire selon la banque à laquelle on appartient, peut être à juste titre considéré comme insuffisamment souple et peu adapté aux nouvelles réalités du marché de l'emploi.

Notre système de formation souffre enfin – c'est un euphémisme – d'un manque de transparence et de lisibilité. Il n'y a ni culture d'évaluation ni contrôle du système de la formation professionnelle, ce dont des organismes, minoritaires, ont profité pour développer des pratiques qui ne sont pas à l'honneur de celle-ci.

Telles sont les raisons majeures pour lesquelles le Gouvernement, à la demande pressante du Président de la République, a pris les choses à bras-le-corps en vue de réformer enfin notre système de formation professionnelle. Alors qu'on prétendait qu'il était impossible de le faire bouger, en raison notamment du poids important des corporatismes, nous avons fait le pari d'une réforme à la fois ambitieuse et fondée sur un diagnostic partagé avec les différents acteurs.

La formation professionnelle est en effet un domaine dans lequel interviennent des acteurs d'horizons différents. N'oublions pas tout d'abord que les principaux financeurs – et de très loin – de la formation professionnelle sont les salariés et les employeurs, pour plus de 11 milliards d'euros. Viennent ensuite l'État, pour 7 milliards d'euros, et les régions, qui sont des acteurs importants, pour 4 milliards. Nous avons donc tenu à développer une vraie concertation entre les acteurs, la compétence partagée impliquant qu'on prenne le temps d'établir un diagnostic et de mener une concertation commune : avis du Conseil d'orientation pour l'emploi recueilli en avril 2008, groupe multipartite, piloté par Pierre Ferracci, jusqu'en juillet 2008, négociation des partenaires sociaux achevée en janvier 2009, concertation avec l'Association des régions de France, qui s'est étalée de fin 2008 au début de 2009, en plus du travail commun mené dans le cadre du groupe piloté par Pierre Ferracci, sans oublier les nombreuses multilatérales avec les partenaires sociaux sur le projet de loi, notamment en avril 2009.

Ce texte, qui est le fruit de la concertation, s'appuie sur l'accord unanime des partenaires sociaux, accord auquel ils sont arrivés le 7 janvier dernier et qui est, à mes yeux, lourd de signification, y compris pour le positionnement de chacun au cours du débat dans l'hémicycle. Du reste, sur certains points, notamment le Fonds de sécurisation des parcours professionnels, cet accord est allé au-delà des attentes du Gouvernement. Sur d'autres, le texte a été enrichi – je pense notamment aux dispositions portant sur la formation professionnelle dans les TPE et les PME, la réforme des OPCA, l'offre de formation ou encore le pilotage des politiques de formation.

Par ailleurs, et j'y tenais beaucoup, le débat a permis, notamment dans le cadre de la commission, de laisser toute sa place à l'initiative parlementaire. La formation professionnelle est un domaine dans lequel nombre d'entre vous, députés comme sénateurs, ont beaucoup oeuvré, depuis de nombreuses années. Je pense au travail accompli, dès 1995, par la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle, par M. Claude Goasguen notamment. Je pense encore au rapport de la mission d'information de la commission des affaires sociales, présidée par Françoise Guégot, à qui a été confiée une mission sur la mise en oeuvre opérationnelle du droit à l'orientation. Je pense encore à la qualité des débats qui ont pu avoir lieu dans le cadre de la commission des affaires sociales, sous votre autorité, monsieur le président, ou encore dans le cadre de la commission des affaires économiques.

Les deux rapporteurs du projet de loi – MM. Michel Cherpion pour la commission des affaires sociales et Jean-Paul Anciaux pour la commission des affaires économiques – sont de très fins connaisseurs de la formation professionnelle. Je tenais à les remercier très chaleureusement pour leur travail, qui a permis d'améliorer substantiellement de nombreux points, sur lesquels je reviendrai systématiquement lors de l'examen des articles, puisque nous débattrons sur le texte de la commission. Je ne voulais pas que l'apport des parlementaires soit passé sous silence. Il a permis d'enrichir le travail du Gouvernement de façon très importante. Je rappelle que 117 amendements ont ainsi été adoptés en commission. Ils proviennent – je tenais à le souligner – de tous les groupes politiques : dix-huit des députés UMP, neuf des députés du groupe SRC, six des députés du groupe GDR et cinq des députés du groupe Nouveau Centre. Je vais citer quelques exemples.

La commission des affaires sociales a retenu le principe selon lequel la formation professionnelle doit permettre à chaque salarié de progresser au moins d'un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ; elle a aussi fait des apports décisifs sur l'emploi des seniors, notamment avec le tutorat ou l'entretien à quarante-cinq ans, visant à informer les salariés sur leurs droits à la formation. Je pense également au travail accompli par Gérard Cherpion sur de nombreux volets ayant trait à la formation ou à l'orientation des jeunes. De la même manière que le texte repose sur un accord unanime des partenaires sociaux, je pense que le travail de coproduction législative appelle à dépasser les clivages politiciens et à se réunir pour moderniser notre système de formation professionnelle.

Les trois objectifs poursuivis par ce projet de loi se résument en trois points majeurs, simples mais de bon sens, sur lesquels nous avons concentré tous nos efforts.

Premièrement : l'impératif de justice et d'équité. Je l'ai dit, notre système de formation professionnelle non seulement ne corrige pas les inégalités par rapport au travail, mais, bien au contraire, les renforce. Ce système ne peut perdurer.

Du point de vue des personnes d'abord. Un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels sera créé. Doté en année pleine de 900 millions d'euros, il permettra, conformément au souhait des partenaires sociaux, la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d'emplois supplémentaires. Le but de ce fonds est de produire un effet de levier et d'entraînement permettant d'aller bien au-delà de la somme qui lui est consacrée, afin d'avoir un véritable point d'accroche pour faire bouger, dans un sens plus équitable, l'ensemble du dispositif de formation professionnelle.

Équité entre les secteurs professionnels, ensuite. Nous sommes aujourd'hui incapables de financer des besoins dans des secteurs émergents : les services à la personne, les emplois verts – qui constituent des gisements majeurs d'emplois à gagner. Nous ne sommes pas capables, il faut le reconnaître humblement, de répondre aujourd'hui aux besoins de formation. Le but de cette réforme est de réorienter les fonds, afin d'assurer le développement de ces filières en expansion, où nous pouvons gagner des emplois.

Équité et justice, enfin, en réorientant l'argent en direction des PME, qui sont traitées de manière inacceptable. Elles ne parviennent pas à mettre en place de façon satisfaisante des offres de formation pour leurs salariés. Le projet de loi sanctuarise les sommes en direction des entreprises de moins de cinquante salariés. Au total, chaque année, 1,2 milliard d'euros au titre du plan de formation seront consacrés exclusivement à la formation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, aujourd'hui trop souvent spoliées par le système de la formation professionnelle.

Voilà pour le premier objectif : faire en sorte que le système soit plus juste et plus équitable.

Le deuxième objectif, qui est encore une idée de bon sens, est de faire en sorte que le seul horizon, le seul but de la formation professionnelle soit l'emploi. Trop souvent, au fil du temps, cet objectif a été oublié au profit de formations trop éloignées d'une culture d'emploi et de professionnalisation. La formation professionnelle est destinée à permettre à un salarié de garder son emploi, de progresser dans sa carrière et à un demandeur d'emploi de retrouver le plus vite possible un emploi. Il faut en finir avec des formations trop vagues, trop floues, « des formations à l'état gazeux » comme je les appelle, pour miser, au contraire, sur des formations directement reliées à une culture d'emploi.

Dans ce cadre-là et de façon très pragmatique, la réforme mise sur ce qui a marché. Je pense notamment au contrat en alternance, au certificat de qualification de branche, aux formations telles que les cours du soir, qui ont une vocation d'ascenseur social extrêmement importante sur notre territoire.

Il faut faire en sorte qu'un salarié licencié puisse bénéficier de son droit individuel à formation. Aujourd'hui, lorsqu'un salarié est licencié et a besoin de se reformer, on lui explique qu'il est trop tard et qu'il fallait y penser avant d'être licencié. Mais c'est justement au moment où on perd son emploi que l'on a besoin de la formation professionnelle !

Je pense également au bilan d'étape professionnel ou au passeport orientation et formation. Toutes ces mesures constituent un dispositif opérationnel, destiné à mettre au coeur du réacteur nucléaire de tout le raisonnement de la formation professionnelle la logique de l'emploi. Je vais donner quelques exemples des améliorations qu'apportera ce texte, pour répondre également au souhait du président de la commission des affaires sociales.

Premier exemple : une personne de plus de cinquante ans pourra bénéficier d'un bilan d'étape qui lui permettra de gérer ses dix années de carrière restantes et d'accéder à la formation, alors qu'aujourd'hui, passé cinquante ans, on n'a quasiment plus aucune chance d'en obtenir une.

Deuxième exemple : un salarié qui perd son emploi dans le secteur textile et a besoin de se reconvertir dans le secteur de la logistique pourra bénéficier d'une préparation qualifiante pour assurer sa reconversion. Là encore, c'est du concret !

Troisième exemple : un demandeur d'emploi qui a besoin de réactiver ses connaissances dans des domaines de la logistique avec des formations type CACES, pourra mobiliser son droit individuel à la formation pour actualiser sa formation. Ce n'est pas possible aujourd'hui et c'est souvent un obstacle à l'accès à l'emploi dans de nombreux secteurs.

Quatrième exemple : aujourd'hui, une personne qui veut devenir aide-soignante ne peut pas bénéficier du congé individuel de formation. Vous avez tous vu ces exemples dans le cadre de vos permanences. Le projet de loi, par le biais du financement du congé individuel de formation, notamment par les cours du soir, le permettra.

Dernier exemple : il est bien souvent impossible aux collectivités locales qui utilisent des contrats aidés d'assurer un financement en termes de formation. Grâce à des amendements portés dans le cadre de la commission, cela deviendra possible.

Enfin, le projet de loi pose les bases d'un vrai service public de l'information et de l'orientation et prévoit de donner un label de qualité aux organismes qui y contribuent sur le modèle auquel on est très attaché dans l'Ouest : « les Cités des métiers ». Le but est de mettre un GPS dans le maquis actuel de la formation professionnelle.

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