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Intervention de François de Rugy

Réunion du 15 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'histoire retiendra peut-être que le vote de cette proposition de loi aurait pu avoir lieu le 14 juillet. Il s'en est fallu d'une journée !

À un jour près, le symbole de la Révolution française, le jour commémorant la fête de la Fédération et célébrant l'union nationale, devenait la fête du commerce, de la consommation et du profit pour quelques-uns. Continuez comme cela, et, avec un peu de chance, vous nous proposerez d'adopter la suppression de la retraite à soixante ans un 1er mai !

Le choix de la date n'est pas innocent. Il faut répéter aux Français que vous avez ainsi voulu faire passer l'un des textes les plus contestés que vous ayez déposés depuis deux ans. Il touche en effet au coeur de notre société, il met en cause l'un de ses points de repère, l'un de ses points d'appui.

Au-delà de toute considération philosophique, religieuse ou partisane, en 1906, avec la République, le repos dominical était devenu le jour de repos commun du plus grand nombre de Français. Il leur permettait de se reposer après une semaine de travail, de se retrouver en famille, entre amis, dans une association, dans un club sportif, de profiter de tous ces moments de détente ou de loisir qui échappaient encore au rouleau compresseur de l'économie, du commerce et de la consommation toute-puissante, au rouleau compresseur de l'argent roi.

La pause du dimanche a manifestement le tort de ne pas être prise en compte dans le calcul du PIB. Les belles paroles de Nicolas Sarkozy, il y a seulement quelques semaines, à Versailles, sur le modèle social français – dont la pause dominicale est pourtant l'un des symboles les plus anciens – n'auront donc pas tenu bien longtemps devant l'adoration du tout-marchand.

Ce texte de loi est grave. Il ne se contente pas de légaliser des situations existantes – ce qui, en soi, est déjà contestable, car on ne voit pas pourquoi la loi volerait au secours des hors-la-loi. Il est grave, car il ouvre une brèche et y place une véritable bombe à retardement : avec la disposition relative aux communes touristiques, il permettra la généralisation de l'ouverture des commerces le dimanche. Vous savez très bien qu'il suffira pour cela que la liste des communes touristiques s'allonge. Nous connaissons actuellement une situation similaire avec les ouvertures de casinos qui, à l'origine, n'étaient autorisées que dans les villes thermales. Pourtant, progressivement, ces établissements se sont implantés partout en France. Même si les élus locaux s'opposent à l'ouverture du dimanche, il suffira d'une décision des préfets représentant un gouvernement comme le vôtre, désireux de généraliser cette pratique.

À cette brèche, vous ajoutez une bombe à retardement économique et sociale. Elle est économique, tout d'abord, car vous instituez un déséquilibre de plus en faveur de la grande distribution, au détriment des petits commerces. Ensuite, elle est surtout sociale, car les travailleurs du dimanche n'auront pas tous droit au même traitement. Vos belles paroles sur le paiement double se sont vite fracassées sur la réalité. Il en est de même du volontariat. Tout le monde sait très bien à quel point ce volontariat sera virtuel. Il est d'autant plus irréaliste dans la période de développement du chômage que nous traversons. Quel chômeur refusera de signer un contrat de travail comprenant une clause de travail du dimanche alors que la France compte 2,5 et bientôt 3 millions de demandeurs d'emplois ? Quel salarié déjà employé à temps partiel dans la grande distribution, où c'est la règle, refusera de travailler quelques heures de plus un dimanche, quand c'est la seule solution pour obtenir un revenu décent et correct ?

Enfin, votre refus obstiné de faire un bilan précis des conséquences sociales de l'ouverture du dimanche déjà pratiquée par certains commerces sonne comme un aveu. Cela n'aurait pas manqué de faire apparaître ses conséquences négatives, notamment sur la vie de famille. Comment déplorer que des enfants soient livrés à eux-mêmes des journées entières si, dans le même temps, on incite par la loi – on les contraint même – un certain nombre de parents à travailler toute la journée du dimanche ?

Avant de conclure, mes chers collègues, je voudrais lancer un appel à celles et ceux qui, sur les bancs de la majorité, de l'UMP et du Nouveau Centre, doutent encore. La question du travail du dimanche est au coeur du pacte social et républicain de la France depuis plus de cent ans. Alors, au-delà des partis et des groupes parlementaires, écoutez la voix de la majorité des Français et levez-vous pour exprimer, avec nous, le refus de ce texte.

En attendant, vous pouvez compter sur la détermination pleine et entière de tous les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Que nous soyons Verts, communistes, du Parti de gauche, de métropole ou d'outre-mer, nous voterons tous contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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