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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 23 juillet 2008 à 15h00
Convention contre la torture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

…je souhaite faire de cette image un exemple pour illustrer mon propos de cet après midi.

Je ne reviendrai pas sur les éléments techniques de ce protocole facultatif que notre collègue rapporteur, Jean Glavany, a fort bien décrit. Je souhaite en revanche revenir sur certains points qui me paraissent importants.

La communauté internationale tente depuis de nombreuses années maintenant de lutter contre ce phénomène de la torture : la convention de New-York contre la torture date de 1984. Le protocole facultatif que nous nous proposons de ratifier aujourd'hui a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002, la France l'a signé trois ans plus tard, le 16 septembre 2005.

La notion même de torture, de traitements inhumains ou dégradants recouvre des définitions extrêmement disparates selon les États et ce, malgré les efforts de la communauté internationale de donner des définitions les plus larges et complètes possible.

Le cas de ce jeune homme de Guantanamo ou les images dégradantes que nous avons tous vu de la prison irakienne d'Abou Ghraib sont évidemment des exemples marquants et nets de cas de pratiques particulièrement dégradantes et humiliantes.

Pour ces images rendues publiques et largement diffusées combien sans diffusion dont nous n'aurons jamais connaissance ? Les tortionnaires d'Abou Ghraïb ont été poursuivis, condamnés à des lourdes peines. Combien d'autres sont en liberté, capables de recommencer ?

De même, si ces actes sont pratiqués par de nombreux pays au régime autoritaire – ce qui, hélas ! ne surprend guère – de grandes démocraties comme les États-Unis ou le Brésil sont régulièrement accusées d'avoir recours à de telles pratiques.

Les différents organismes internationaux s'accordent tous pour dire que le phénomène est en augmentation, même s'il est extrêmement difficile à quantifier. Là encore, est-il vraiment en augmentation ou disposons-nous d'outils plus efficaces pour en rendre compte ? Notre conscience politique accrue nous rend-elle plus sensible à ces phénomènes qu'auparavant ? Autant de questions auxquelles il est très difficile de répondre.

Un tel état des lieux rend d'autant plus inquiétant le sondage réalisé en 2008 dans dix-neuf pays, dont fait état notre collègue rapporteur dans son rapport : si 57 % des sondés se déclarent en faveur de l'interdiction absolue de la torture, 35 % y sont favorables si cela peut sauver des innocents et 9 % défendent même son utilisation par l'État.

Force est de constater que les pays confrontés directement de manière frontale et brutale au terrorisme sont les plus concernés : en Inde, en Turquie ou aux États-Unis une majorité de citoyens considère que la torture peut être employée dans le but de sauver des vies innocentes – 44 % des Américains, 59 % des Indiens, 51 % des Turcs.

Cette réalité des faits épargne les pays Européens : dix-neuf des vingt-sept pays de l'Union ont signé ou ratifié le Protocole facultatif. Parmi les États de l'Union signataires, il faut noter la présence de l'Espagne, pays pourtant durement et très régulièrement touché par le terrorisme qu'il soit international – attentat de Madrid – ou basque, les derniers attentats de ce week-end en témoignent.

Le Royaume-Uni fait aussi partie des États ayant ratifié le protocole, et c'est dans le respect de celui-ci que les autorités britanniques ont considérablement renforcé leur législation anti-terroriste, à la suite des attentats meurtriers de Londres.

Notre continent fait, une fois encore, figure d'une exemplarité certaine en la matière. Il est important de le souligner et nos concitoyens doivent en avoir bien conscience.

Je l'ai indiqué lors de l'examen en commission et je souhaite le redire ici : j'ai, comme un certain nombre d'entre vous, visité des centres de rétention et je tiens à dire que les gens y sont traités dans le respect de leurs droits. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je ne dis pas que ces centres sont des endroits agréables, je dis que les personnes retenues y sont traitées avec humanité et respect, c'est leur situation individuelle ou familiale qui est dramatique.

Notre pays a certes des progrès à faire. En effet, les rapports réguliers sur l'état de nos prisons sont inquiétants et nécessitent des efforts considérables de modernisation. Le Gouvernement s'y attelle mais cela prendra du temps.

Le principal apport de ce protocole facultatif que nous nous apprêtons à ratifier est l'établissement d'un « système de visites régulières » des lieux où la torture ou tout autre type de traitement inhumain ou dégradant est susceptible de se produire. C'est la démarche de prévention qui est favorisée.

La France n'a d'ailleurs pas attendu la ratification de ce protocole pour s'y conformer puisque, par la loi du 30 octobre 2007, elle a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le premier contrôleur général, Jean-Marie Delarue a été nommé le 11 juin dernier pour six ans.

Avant de lancer des polémiques inutiles sur la pérennité à terme du poste en question, attendons qu'il se mette au travail et jugeons par la suite du meilleur mode d'action et de compétences pour garantir à chacun le respect de ses droits.

Je souhaite rappeler ici quelques vérités au regard de la carte fournie avec le rapport. Force est de constater que peu d'États sont exempts de ces pratiques. Notre Europe paraît bien isolée… Mais, tout de même, quelle fierté ! C'est tout à l'honneur de notre pays et de la politique que nous menons aujourd'hui. Si nous ne devions discuter qu'avec les pays « fréquentables », nous ne discuterions plus avec grand-monde.

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