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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 16 décembre 2008 à 21h30
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Article unique, amendement 11

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

J'espère, monsieur le président, que tous mes collègues pourront s'exprimer sur ces amendements identiques : nous traitons du projet de loi organique, qui ne comporte qu'un article unique, et nous ne sommes plus à une demi-heure près. Il est important que chacun puisse développer ses arguments, car, sans doute, n'avons-nous pas tous les mêmes à faire valoir.

Notre amendement vise à supprimer l'article et une disposition, qui, comme vient de le souligner Didier Mathus, est à peine croyable, en ce qu'elle propose de faire nommer les présidents des sociétés de l'audiovisuel public par le Président de la République, c'est-à-dire par le fait du prince. Contrairement à ce qui a pu être dit, la télévision publique n'est pas un service public comme un autre, ce n'est pas une entreprise comme les autres, chargée d'offrir une prestation matérielle. C'est – ou ce devrait être – une société de culture, amenée à façonner l'imaginaire, à informer, à mettre notre patrimoine en valeur et à produire du sens et des valeurs.

À ce titre, la nomination de son président par le Président de la République ne peut en aucun cas être considérée comme une mesure logique – comme certains l'ont dit – ou naturelle, ou encore de bon sens. Il n'y a aucun bon sens à faire émaner du pouvoir politique la légitimité du patron de France Télévisions. Au contraire, c'est le signe d'une mise sous tutelle de l'audiovisuel. Cela est d'autant plus absurde que les soupçons de proximité entre les médias et le pouvoir sont assez lourds et compliquent suffisamment le travail des journalistes.

Il y a là comme un aveu cynique : quelle confiance pourront avoir les usagers du service public audiovisuel dès lors qu'ils sauront que ses dirigeants sont nommés au gré des désirs du Président de la République, et qu'ils peuvent être révoqués par lui ? De quelle autonomie ces dirigeants pourront-ils disposer face à un Président de la République qui use et abuse des médias comme aucun autre ?

Il existe un organe, le CSA, qui avait toute sa compétence, même s'il devait être réformé ; je n'y reviendrai pas. Nous proposions en effet une réforme, et je demeure convaincu qu'il devrait pouvoir jouer ce rôle de nomination. Au lieu de quoi ce projet de loi impose un alignement sur les méthodes du secteur privé – où c'est l'actionnaire qui décide – exactement comme si France Télévisions vendait des avions ou des trains, comme si l'actionnaire était n'importe qui. Or l'État n'est pas une entreprise ! Il devrait être impartial, et le Président de la République devrait être le garant de cette impartialité. Hélas, le Président de la République déroge à cette fonction : il agit en chef du Gouvernement plutôt qu'en garant de l'impartialité de l'État.

Cette nomination princière aura des effets pervers, car le président de France Télévisions sera responsable non pas devant les citoyens ni devant les usagers qui financent collectivement le service public audiovisuel, mais devant le Président de la République. Il y a là un conflit d'intérêts évident et, sans reprendre les exemples de M. Mathus, une berlusconisation, je dirais même une poutinisation de l'audiovisuel français. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement n'a aucun respect pour la nécessaire indépendance des médias, pour le pluralisme et pour la séparation des pouvoirs.

Nous appelons donc tous les parlementaires soucieux de préserver une certaine idée du service public – j'ose espérer qu'ils en sont encore capables – à s'opposer avec force à cette disposition injustifiée et injustifiable.

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