Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Nicolas Perruchot

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Adaptation du droit des sociétés au droit communautaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Perruchot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons, en deuxième lecture, un texte d'importance pour l'avenir de nos économies européennes, pour l'avenir de nos entreprises et l'approfondissement du marché intérieur.

Le présent projet a pour objet l'adaptation du droit français à plusieurs dispositions adoptées par le Parlement européen et le Conseil européen, avec la transposition de deux textes : la directive du 26 octobre 2005 relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux et la directive du 14 juin 2006 modifiant les quatrième et septième directives comptables. Le projet de loi procède également à la modification de certaines dispositions du code de commerce relatives aux fusions nationales et à la société européenne. Enfin, il propose des mesures d'adaptation permettant l'application du règlement du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne.

Comme vient de l'affirmer Mme la rapporteure, les modifications du Sénat n'ont aucunement bouleversé le texte, mais ont permis au contraire d'y apporter des précisions et des améliorations. Pour le Nouveau Centre, la transposition des directives européennes est essentielle, parce qu'elle marque la volonté française d'aller plus loin dans l'intégration européenne, d'adapter son droit et de s'engager sur la voie de l'harmonisation. Avec la présidence française de l'Union européenne, notre pays doit se montrer exemplaire et honorer ses engagements, notamment en transposant des directives essentielles.

En fait, ce projet de loi est un témoignage de l'importance de l'intégration juridique communautaire. Il vise à adapter nos droits des sociétés au grand marché européen que nous avons construit, afin d'en prendre pleinement la mesure et d'en tirer tous les avantages possibles. Le droit des sociétés constitue en effet un domaine dans lequel les traités européens ont doté les institutions communautaires de compétences fortes. Le lien entre le marché unique et le droit des sociétés est clair. L'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation économique et sociale dans l'ensemble de la Communauté qui en découle impliquent non seulement que les obstacles aux échanges commerciaux soient éliminés, mais aussi que les structures de production soient adaptées à la dimension communautaire du marché.

Or le cadre juridique dans lequel les entreprises évoluent au sein de la Communauté reste principalement fondé, aujourd'hui encore, sur les législations nationales, et cette situation entrave considérablement le regroupement de sociétés appartenant à différents États membres. En effet, l'achèvement du marché intérieur européen et la poursuite des objectifs de Lisbonne, notamment en matière de croissance économique et d'innovation, nécessitent une profonde harmonisation de nos systèmes juridiques en matière commerciale : comment garantir la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, si les conditions qui sont offertes à ceux-ci sont différentes d'un territoire à l'autre ?

Ce projet de loi s'inscrit dans une bonne dynamique pour mettre fin à ces difficultés. La mondialisation accentue l'internationalisation des sociétés ; elle accentue aussi la nécessité de mieux répartir leur production, d'adapter leur structure à l'environnement social et économique. L'INSEE évalue d'ailleurs à plus de 1,3 million le nombre de sociétés commerciales dans notre pays, lesquelles s'internationalisent à mesure que se généralisent les échanges dans l'Union européenne.

Aujourd'hui, les sociétés transfrontalières sont communes, mais le droit n'a pas suffisamment accompagné cette évolution. Ainsi, le législateur et le gouvernement français se trouvent face à un nouveau défi : donner à ces sociétés les moyens juridiques de s'adapter à la compétition internationale. En faisant évoluer son droit, la France deviendra plus attractive pour les sociétés transfrontalières et appuiera le développement des entrepreneurs français.

Sur le projet de loi modifié, les objectifs restent les mêmes. Mme la rapporteure les a rappelés : harmoniser et simplifier la réalisation de fusions de sociétés transfrontalières au sein de l'Union européenne ; adapter la législation pour simplifier la gouvernance de sociétés implantées dans différents États membres ; renforcer et garantir le respect de la participation des salariés ; permettre aux coopératives nationales ayant des filiales dans plusieurs États membres de se constituer sous une forme sociale unique de coopérative européenne ; enfin, renforcer les obligations de transparence des entreprises avec la modification de directives comptables antérieures.

Les principales dispositions de ce projet de loi visent à transposer la directive relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Or ces fusions relèvent du droit national : chaque société participant à la fusion transfrontalière doit se conformer aux dispositions et aux formalités de la législation de l'État membre dont elle relève, législation qui serait donc applicable à une fusion nationale.

Ce système est complexe, et il n'est pas satisfaisant. C'est pourquoi il convient de créer des conditions pour faciliter ces fusions, et permettre aux sociétés européennes souhaitant combiner leurs forces et faire appel à des capitaux de le faire d'abord au sein de l'Union européenne. Pour une plus grande sécurité juridique, les opérations de fusion seront soumises à un double niveau de contrôle. D'abord, le greffier du tribunal de commerce devra délivrer l'attestation de conformité des opérations de fusion. Ensuite interviendra un contrôle de légalité de la fusion ou de la constitution de la nouvelle société, ainsi qu'un contrôle du respect, par toutes les sociétés qui fusionnent, des modalités relatives à la participation des salariés.

Le texte confie ce contrôle soit au notaire, soit au greffier du tribunal de commerce. Il appartiendra à l'entreprise de choisir. Je partage les doutes de mes collègues quant à la possibilité pour le notaire de délivrer le certificat de légalité qui garantit et sécurise l'opération de fusion. S'agissant des formalités liées aux opérations qui concernent les sociétés, c'est en effet le droit commun qui s'applique : il revient donc au greffier du tribunal enregistrant l'immatriculation de la société issue de la fusion de procéder à la délivrance de cet acte. De plus, le greffier étant déjà saisi pour la délivrance de l'attestation de conformité des opérations de fusion, on ne voit pas bien quel serait l'apport du notaire dans la deuxième phase.

Je salue néanmoins les modifications apportées afin de renforcer la participation des salariés aux conseils d'administration et aux conseils de surveillance, et leur droit à consultation préalable en cas de fusion transfrontalière. Car dans notre droit, et c'est parfois regrettable, les salariés et leurs organisations représentatives ne sont pas pris en compte en amont des fusions, des acquisitions et de toutes autres opérations qui affectent la bonne marche des entreprises. Au moins peut-on espérer que la fusion transfrontalière bénéficiera aux salariés du côté français par la négociation prévue. D'ailleurs, les ajouts au code du travail visent précisément à rendre pleinement effectives les protections offertes aux membres d'un groupe spécial de négociation et des comités européens. De même, l'amélioration des règles de gouvernance des sociétés cotées en droit communautaire permettra à notre législation de s'adapter : c'est une autre avancée majeure.

Ces dispositifs d'amélioration de la transparence sont nécessaires, compte tenu du contexte économique actuel. Ils s'inscrivent dans la droite ligne des exigences formulées par les ministres de l'économie et des finances du G7 envers les grands groupes financiers. Le Sénat a d'ailleurs, et c'est une très bonne chose, élargi aux sociétés en commandite par action l'application du régime de transparence.

Enfin, je tiens à souligner l'apport important des coopératives françaises dans l'économie française et européenne. En effet, madame la secrétaire d'État, vous faisiez, comme Mme la rapporteure, état de chiffres probants : la coopération représente dans notre pays 21 000 entreprises, 900 000 emplois et 200 milliards d'euros et, au niveau européen, 280 000 entreprises, 60 millions de sociétaires et près de 5 millions d'emplois. Avec ce projet de loi, nous offrons les outils permettant aux coopératives un épanouissement et un développement européens. Elles bénéficieront d'un statut unique pour la société mère et les filiales dans l'Union européenne. Les différentes législations nationales gardent cependant la possibilité de conserver des spécificités propres à chaque secteur d'activité de la coopération.

Vous avez rappelé, madame la secrétaire d'État, la triple ambition du projet : moderniser, simplifier et sécuriser les fusions. Je crois que la sécurité juridique, l'information des salariés, le droit des actionnaires minoritaires, le gouvernement d'entreprise – autant d'objectifs qui sont aussi les nôtres – sont réunis dans ce projet de loi modifié par le Sénat. Dans une économie mondialisée et tous les jours plus concurrentielle, il convient de se doter des meilleurs atouts. Ce projet de loi constitue une formidable opportunité pour notre pays comme pour nos partenaires européens de relever le défi du développement économique, de stimuler les emplois et surtout d'impulser un nouveau souffle à la construction européenne. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre y apportera son soutien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion