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Intervention de Arlette Grosskost

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Adaptation du droit des sociétés au droit communautaire — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi modifié par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArlette Grosskost :

, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président,madame la secrétaire d'État, chers collègues, le 3 juin 2008, le Sénat a achevé sa première lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, que notre assemblée avait elle-même examiné le 6 mai dernier.

Bien que l'urgence ait été déclarée sur le texte, le Gouvernement a décidé de permettre la poursuite de la navette parlementaire, afin de laisser les députés se prononcer sur les apports effectués par les sénateurs. Naturellement, nous sommes très sensibles à cette marque de considération, cette deuxième lecture offrant l'opportunité, à tous ceux de nos collègues qui le souhaitent, de s'exprimer sur le texte.

En première lecture, dans cet hémicycle, un climat très consensuel et constructif a régné sur tous les bancs ; les débats ont permis d'enrichir substantiellement le projet initial du Gouvernement. C'est ainsi que le régime juridique des fusions transfrontalières, découlant des prescriptions de la directive éponyme du 26 octobre 2005, a été précisé, notamment s'agissant de la date d'effet des opérations.

Le texte a également été complété sur des aspects essentiels. Ainsi, nous avons tenu à ce que le contrôle de légalité puisse être réalisé aussi bien par les greffiers des tribunaux – auprès desquels les sociétés issues de telles fusions seront immatriculées –, que par les notaires.

À cet égard, je me permets de rappeler que, dans un premier temps, Mme le garde des sceaux s'était montrée hostile à l'ouverture du contrôle de légalité à d'autres intervenants, notamment aux greffiers. Pour étayer sa position, elle avait évoqué la nécessité de maintenir un parallélisme des formes avec la constitution de la société européenne. Or Mme Noëlle Lenoir, chargée d'un rapport sur ladite société européenne, estime que réserver le contrôle de légalité aux seuls notaires apparaît comme un frein à l'attirance des sociétés européennes pour la France, en raison d'un manque de souplesse et de célérité.

Plus généralement, afin de rendre la société européenne plus efficiente – tout particulièrement dans les secteurs de la finance et des assurances où le besoin s'exprime –, il conviendra impérativement, dans un texte futur, de garantir un minimum de cohérence entre le dispositif de la société européenne et celui de la directive « Fusion transfrontalière », objet de mon rapport. Ces efforts de cohérence devront porter notamment sur le transfert du siège social, le droit d'opposition par le procureur de la République, diverses dispositions en matière sociale, sans oublier – bien évidemment – l'adjonction des greffiers pour le contrôle de légalité.

Notre assemblée a tenu à accorder une protection juridique accrue aux membres d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de société issue d'une fusion transfrontalière. Nous nous sommes également attachés à répondre au mieux aux besoins des principaux intéressés, dans un but de simplification, notamment en instaurant une clause passerelle évitant le recours au groupe spécial de négociation, lorsque le régime de participation le plus favorable s'applique.

Dans le même ordre d'idées, notre assemblée s'est évertuée à rendre le statut de la société coopérative européenne – la fameuse SEC –, introduit par le projet de loi dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, le plus cohérent possible. Dans cette optique, nous nous sommes inspirés de dispositions en vigueur pour les sociétés commerciales pour apporter des clarifications, notamment en ce qui concerne la composition des organes sociaux des SEC.

Un premier article additionnel a permis d'étendre les possibilités d'unions mixtes aux sociétés coopératives de consommation, par analogie avec le régime juridique des coopératives de commerçants-détaillants.

Un deuxième article additionnel exonère les coopératives de l'obligation de fixer, dans leurs statuts, le montant maximal de leur capital autorisé, afin de remédier à l'insécurité juridique créée par un arrêt rendu le 6 février 2007 par la Cour de cassation.

Au passage, vous me permettrez une petite digression nécessaire : je suggère au Gouvernement de porter une attention toute particulière au devenir du statut coopératif, car une plainte a été déposée devant la Commission européenne en 2004, au motif que le régime fiscal français ne serait pas conforme au droit communautaire et constitutif d'une aide illégale. Vous aurez parfaitement compris que la remise en cause de ce régime fiscal des coopératives, pourtant juste contrepartie des contraintes et restrictions spécifiques inhérentes au statut, aurait des répercussions considérables sur ce secteur majeur de notre économie. Rappelons qu'il compte 21 000 entreprises, 900 000 employés et pèse 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Je referme la parenthèse pour revenir au texte en débat.

Enfin, notre assemblée a habilité le Gouvernement – à sa demande – à transposer, par voie d'ordonnance, la directive du 17 mai 2006 sur le contrôle légal des comptes annuels et consolidés, en raison de l'imminence de la date limite fixée par le texte communautaire, à savoir le 29 juin 2008.

En adoptant, lui aussi dans un climat quasi-consensuel, vingt et un articles et trois suppressions d'articles conformes, le Sénat n'a pas bouleversé l'économie générale du texte que nous avions voté. Quatre articles additionnels ont été ajoutés au projet de loi. Pour le reste, les sénateurs ont surtout apporté des précisions ou des clarifications utiles et bienvenues.

Passons en revue les modifications apportées par le Sénat.

Premier point : elles consistent à encadrer la vérification des actes et formalités préalables, ainsi que le contrôle de légalité des fusions transfrontalières, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État.

À ce sujet, Mme la garde des sceaux a indiqué, lors de la séance du 3 juin 2008, que le délai en question devrait se situer aux alentours de quinze jours, ce qui est une excellente chose.

Elles consistent par ailleurs à préciser les effets juridiques à l'égard de la société issue d'une fusion transfrontalière des décisions prises par les associés des sociétés préexistantes, s'agissant notamment des procédures de fixation et de modification éventuelle des rapports d'échange de titres ou d'indemnisation des associés minoritaires ; à expliciter les protections des salariés quant aux licenciements ou aux sanctions qui leur seraient applicables du fait de leur intervention dans une prise de décision concernant le processus de participation ; à prévoir une rédaction globale plus cohérente de l'article L. 236-10 du code de commerce, s'agissant des modalités d'établissement du rapport écrit des commissaires à la fusion ; à élargir aux sociétés en commandite par actions les exigences de transparence en matière de gouvernance qui sont posées à l'article L. 225-68 du code de commerce pour les sociétés anonymes ayant un directoire et un conseil de surveillance ; à permettre aux statuts d'une coopérative agricole d'autoriser l'admission de toute personne physique ou morale intéressée comme associé non-coopérateur, sous réserve, évidemment, d'une acceptation par le conseil d'administration ; enfin, à aligner le régime de dévolution de l'actif net d'une société coopérative agricole en liquidation sur le régime applicable aux autres coopératives françaises, en vertu de l'article 19 de la loi du 10 septembre 1947, ainsi qu'aux sociétés coopératives européennes.

Globalement, la première lecture du Sénat a amélioré la rédaction d'ensemble des dispositions prévues par le texte. Personnellement, je ne décèle aucun motif de désaccord avec les modifications apportées par les sénateurs, et je tiens à préciser que la commission des lois n'a apporté aucune modification au texte du Sénat.

Eu égard à la nécessité de transposer rapidement les directives du 26 octobre 2005 et du 17 mai 2006, la commission des lois a jugé souhaitable que nous adoptions les douze articles restant en discussion par un vote conforme. C'est pour cette raison qu'elle n'a adopté aucun amendement et qu'elle vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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