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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Lutte contre le trafic de produits dopants — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de notre parcours législatif, je tiens tout d'abord à me réjouir de l'aboutissement des travaux de la commission mixte paritaire. Cet heureux résultat confirme une prise de conscience : le dopage est un fléau universel, même s'il ne touche qu'une minorité de sportifs, car toutes les disciplines sportives sont susceptibles d'être atteintes.

Au cours de certaines compétitions sportives, des records de France, d'Europe ou du monde sont battus et, si une minorité de sportifs peut à bon droit éveiller les soupçons, de nombreux athlètes s'entraînent, luttent, pour la seule gloire du sport sans recourir à des stimulants artificiels. Les tricheurs font à leurs efforts et à leur courage une ombre imméritée. Je le répète, je souhaite que les manifestations sportives soient l'occasion de performances, peut-être moins spectaculaires, mais authentiques ; il en va tout à la fois des valeurs du sport, de l'exemplarité de l'effort et de la santé des athlètes. C'est pourquoi je me réjouis de l'adoption de ce texte qui confirmera la continuité d'une volonté politique qui, depuis 1965, a conduit les gouvernements successifs à mener une lutte sans relâche contre le dopage.

Le nouveau texte comble opportunément des lacunes de la législation actuelle, en créant notamment le délit de détention de produits dopants et en organisant la répression pénale du trafic de ces produits. La répression doit frapper à toutes les étapes de la filière, du producteur au consommateur final. Toutefois la répression n'est rien si elle n'est pas précédée par une action de prévention visant en particulier les jeunes sportifs que la quête du résultat peut rendre plus spécialement sensibles à la tentation de facilité représentée par le dopage.

Aujourd'hui, seul le vainqueur reçoit la consécration des médias, la recherche à tout prix de performances est la loi. On donne de la devise « plus vite, plus haut, plus fort » une interprétation qui exclut la vérité et la loyauté des comportements. Encouragée par certains, la perspective mythique de grands profits faciles peut conduire à l'aveuglement.

Lutter conte cette dérive est d'abord affaire d'éducation. Dans les centres de formation, dans les filières sport-études, dans les clubs et les associations sportives, il faut conduire une stratégie de dissuasion par l'information sur les risques pénaux des tricheurs et sur les risques sanitaires liés au dopage. Les jeunes doivent savoir que le dopage réduit l'espérance de vie et peut être cause de souffrances et de handicaps. Il convient aussi, et peut-être surtout, de développer une éducation positive aux vraies valeurs du sport que sont la solidarité, la loyauté et l'endurance.

Il est essentiel d'adapter continuellement nos outils de contrôle, pour faire face à un arsenal dopant qui se développe régulièrement à tel point que l'on se demande si nous n'avons pas toujours un temps de retard. Rappelez-vous ce laboratoire d'analyses antidopage qui, il y a quelques années, avait reçu, par la poste, une seringue contenant un produit inconnu, qui aurait été fourni par un laboratoire californien. Après diverses analyses, ce produit s'est révélé être un anabolisant de synthèse, jusqu'alors indétectable dans les urines. Depuis, on a découvert que certains athlètes de renommée internationale étaient en partenariat avec ce laboratoire californien ; ils ont reconnu qu'ils s'étaient effectivement dopés.

Certains experts considèrent même que le dopage pourrait emprunter les techniques de la thérapie génique et cellulaire. Un spécialiste de la thérapie génique est récemment parvenu à doubler la force musculaire d'un rat après lui avoir injecté un gène particulier. Il est absolument nécessaire de soutenir la recherche de techniques de détection, la découverte de nouveaux tests adaptés pour ne pas décrocher par rapport à l'inventivité mercantile des tricheurs et à leurs trouvailles de plus en plus inquiétantes et néfastes. C'est pourquoi je souhaite, notamment, que l'Agence française de lutte contre le dopage – l'AFLD – bénéficie de moyens financiers supplémentaires. Le développement de son efficacité dépend de l'État qui la finance à 94 %. L'accroissement des ressources ne suffit pas, il faut, en outre, inscrire l'action de l'Agence dans une vision globale de long terme et dans une politique cohérente. Cela relève, monsieur le secrétaire d'État, de votre responsabilité. Je vous y encourage fortement

J'aborderai maintenant plus précisément le fruit des travaux de la CMP.

Je me plais d'abord à féliciter nos collègues sénateurs qui – une fois n'est pas coutume – ont su faire évoluer le texte d'une manière positive. Je pense, naturellement, à la limitation de bon sens de l'incrimination de la détention aux substances et procédés réellement dopants. Cela évitera une répression inutile du contenu des armoires à pharmacie familiales. Cette disposition tient compte de la différence évidente, en termes d'efficacité dopante et de dangers pour la santé, entre un médicament contre l'asthme et l'EPO.

L'autre grand pas effectué par nos amis sénateurs concerne les sportifs étrangers participant à une compétition organisée en France. Lorsque l'un d'eux sera contrôlé positif à cette occasion, l'AFLD disposera désormais de la faculté de demander à la fédération sportive dont relève la compétition l'annulation des résultats individuels du sportif reconnu coupable, ce qui entraînera, le cas échéant, le retrait des récompenses ainsi obtenues par fraude. Cette disposition nouvelle, introduite dans le projet de loi à l'initiative du rapporteur du Sénat, s'inscrit dans la perspective de la coordination internationale de la lutte contre le dopage, dont j'avais souligné la nécessité en première lecture. Je m'en réjouis.

Je comprends parfaitement qu'à l'approche des événements qui vont marquer l'actualité sportive de cet été – le Tour de France, les Jeux olympiques au cours desquels j'espère, à mon tour, que les Françaises et les Français obtiendront les meilleurs résultats, et je n'oublie pas les sportifs paralympiques puisque les Jeux paralympiques leur succéderont – le Gouvernement ait souhaité que la législation antidopage soit convenablement modernisée en temps opportun. Je regrette toutefois, monsieur le secrétaire d'État, qu'il n'ait pas saisi cette occasion pour introduire dans le droit français les innovations juridiques résultant de la modification du code mondial antidopage, qui entreront en vigueur le 1er janvier prochain.

J'ai déjà parlé du décalage entre l'ingéniosité des fraudeurs et la capacité technique des responsables de la lutte antidopage ; il me faut bien maintenant déplorer un autre décalage dans l'adaptation de notre droit aux engagements internationaux de la France. Que ce décalage se produise dans d'autres domaines que le sport n'est pas une consolation. J'ai en tout cas le sentiment que nous allons être appelés à légiférer à nouveau dans un proche avenir.

Pour autant, je salue dans ce projet de loi un texte équilibré, enrichi par le débat parlementaire, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État, ce dont nous vous remercions, et qui accroît les moyens donnés à la lutte, que nous souhaitons tous la plus efficace possible, contre le fléau du dopage. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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