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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Lutte contre le trafic de produits dopants — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Ce colloque a également été l'occasion d'insister sur la nécessité d'employer tous les moyens nécessaires pour lutter contre le trafic des produits dopants. En revanche, la double peine, pénale et sportive, proposée par votre projet de loi et défendue par un député de votre majorité – au nom du principe selon lequel il faut tout essayer – n'a pas suscité l'adhésion des participants. En effet tous savent combien la lutte antidopage exige d'abord et avant tout du travail dans la durée, notamment sur le plan éducatif.

Le recours à la pénalisation, peut-être rassurant pour le décideur politique, n'est-il pas une preuve d'inefficacité des politiques publiques ?

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la situation internationale. Grâce à l'Agence mondiale antidopage et au code mondial antidopage, nous parvenons bien évidemment à une homogénéité, mais chacun a son histoire. Si, en 1999, l'Italie et la France n'ont pas pris la même voie, c'est parce que la réalité n'était pas la même. L'Italie était obligée de recourir à la sanction pénale parce que le mouvement sportif italien n'agissait pas contre le dopage aux côtés du ministère. En France, dès 1998 et même avant, le mouvement sportif était prêt à collaborer à ce combat antidopage ; il s'est donc vu confier des responsabilités en matière de sanction sportive.

Ce régime de double peine interpelle aussi le partage des rôles entre le mouvement sportif et la justice. Qu'adviendra-t-il si la justice déclare un sportif coupable et que le mouvement sportif le considère innocent ou vice versa ? Inévitablement, la justice prévaudra. Le mouvement sportif, déjà fragilisé par les restrictions budgétaires que vous lui avez imposées, sera tout simplement dessaisi d'un de ses rôles essentiels : l'action pour la préservation de l'intégrité physique et psychique des athlètes. Avec cette décision – cette perte d'attributions qui succède à bien d'autres – c'est tout l'édifice du sport à la française que l'on fragilise.

J'appelle une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la dangerosité de l'amendement déposé par M. le député Lefebvre, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, et que vous avez avec beaucoup de sagesse fait retirer, mais il ne faudrait pas, bien sûr, qu'il réapparaisse dans nos débats parlementaires, au risque de porter un coup à l'unité fédérale.

Je tiens donc solennellement à alerter des dangers que cette évolution fait courir à l'avenir du sport français. J'ai posé cette question en première lecture. Elle n'a pourtant qu'à peine effleuré les débats, les discussions au Sénat comme en CMP portant presque exclusivement sur les modalités de mise en oeuvre de ce qui est un véritable changement de culture de notre lutte antidopage et non sur le principe de ce changement. Je le regrette. Certes, je me réjouis que le Sénat et la CMP aient finalement accepté de réduire le périmètre de la liste des produits dopants dont la détention sera demain « pénalisable ». Le risque de voir des sportives ou des sportifs derrière les barreaux en est d'autant réduit. Néanmoins j'aurais aimé que l'on analyse tous les tenants et aboutissants de cet amendement et, par-là, les risques que l'on fera peser sur l'efficacité de la lutte antidopage.

En vertu de cet amendement, la détention de produits dopants à usage courant, comme par exemple la Ventoline, ne sera pas condamnable. Comment en serait-il autrement d'ailleurs ? La justice ne peut évidemment pas condamner une personne possédant des médicaments, même susceptibles d'être utilisés à des fins de dopage. Seul le mouvement sportif peut le faire dans le cadre particulier d'une activité sportive et en cas de détournement de son utilisation.

En revanche, la détention d'un autre produit, comme l'EPO, sera, elle, directement passible d'une double peine, sportive et judiciaire. Donc, pour une même infraction de dopage, les réponses judiciaires et les peines encourues pourront être très différentes pour un sportif. C'est absurde et cela démontre les incertitudes dans lesquelles votre projet de loi plonge la lutte antidopage.

La justice a évidemment une immense responsabilité en matière de dopage, notamment pour démanteler les trafics et les filières organisées. Veillons donc à lui donner toutes les armes pour mener à bien ce combat. En revanche pour traiter la tricherie sportive et combattre efficacement le dopage, le mouvement sportif reste le mieux armé.

Depuis des décennies dans ce pays, État et mouvement sportif travaillent main dans la main avec pour seul objectif que le sport soit accessible à toutes et tous, qu'il soit de haut niveau ou qu'il ait une mission de service public. Depuis 1998, cela s'est concrétisé dans la lutte antidopage, au niveau national, avec le rôle donné à l'Agence nationale contre le dopage, mais également international, ce dont je me félicite, grâce à la présence des États et du mouvement sportif au sein de l'Agence mondiale antidopage.

Nous avons besoin des deux acteurs que sont l'État et le mouvement sportif. Nous avons besoin d'un sport regroupé dans sa diversité dans les fédérations et le mouvement olympique. Il faut lui confier toutes les responsabilités nécessaires. Ne le dessaisissons donc pas de ses attributions, nous le regretterions toutes et tous. Or c'est ce qui risque d'arriver avec ce projet de loi élaboré dans la hâte. Nous espérons pouvoir légiférer de nouveau dans les prochains mois. Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, les députés de la Gauche démocrate et républicaine s'abstiendront sur ce projet de loi.

Je tiens cependant à conclure sur une note positive : je souhaite que nos équipes de France obtiennent de bons résultats aux Jeux olympiques de Pékin et, surtout, que ce soit de beaux Jeux olympiques, ce dont nous avons bien besoin après la semaine que nous venons de vivre !

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