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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat et vote sur la déclaration du gouvernement relative à la politique étrangère

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Face au discours officiel qui tente de justifier la réintégration de la France dans l'OTAN, je veux essayer, dans le temps qui m'est imparti, de donner à nos concitoyens un éclairage différent.

Que s'est-il passé depuis l'élection présidentielle de 2007 ? Que pourrions-nous retenir de cette « chronique d'une réintégration annoncée » ? Celle-ci a été voulue unilatéralement par le Président de la République sans que jamais cette intention ne soit annoncée lorsqu'il était candidat. Placée sous le signe de la rénovation du lien transatlantique, la décision de réintégrer l'OTAN ne date pas des dernières élections américaines. Elle a été prise très tôt, en septembre 2007. George Bush était alors aux commandes, et nous nous situions donc au pire moment d'une administration américaine qui menait une politique internationale contestable et contestée aujourd'hui par le président Obama. Son prédécesseur avait choisi de mentir devant les instances de l'ONU pour justifier la guerre en Irak, ce qui a conduit une grande démocratie à se perdre dans le scandale de Guantanamo.

D'ailleurs, en 2008, la commission du Livre blanc n'a pas eu d'autre choix que de légitimer une décision prise par avance par l'Élysée, selon un agenda déjà programmé pour nous mener au débat qui nous réunit cet après-midi. Or cette décision posait de nombreux problèmes et ne faisait pas l'unanimité au sein de cette commission. Ce facteur, parmi d'autres, a motivé mon départ et celui du sénateur Didier Boulaud.

D'entrée, le Président de la République avait pourtant conditionné cette réintégration à des progrès significatifs dans le domaine de l'Europe de la défense lors de la présidence française de l'Union européenne. Or, si il y a eu quelques avancées, les résultats restent bien loin des annonces tonitruantes du discours présidentiel. Lors de son allocution du 11 mars, le Président de la République ne s'est d'ailleurs que très peu attardé sur ce bilan. Ces voeux ont-ils été oubliés ou sont-ils abandonnés ?

Le Président de la République fait aujourd'hui un pari risqué en liant à une nouvelle dynamique de l'Europe de la défense notre réintégration dans une organisation qui ne connaît plus ses missions.

À ce propos, je tiens à souligner que les socialistes sont particulièrement favorables à une Europe de la défense, autant qu'ils sont favorables à une coopération au sein d'une alliance atlantique aux conditions de fonctionnement revisitées et équilibrées entre l'Europe et les États-Unis.

Par ailleurs, il est aujourd'hui certain que la crise nous obligera, comme nos partenaires, à réviser à la baisse nos ambitions en matière de défense – ce que nous avons démontré dans un rapport récent sur l'exécution de la loi de programmation militaire. De plus, à ce jour, aucun débat n'a été ouvert avec le Président Obama sur les missions de l'OTAN, même si la réorientation de la politique des États-Unis ne peut que susciter une écoute attentive de notre part. Un tel débat aurait pourtant été nécessaire pour permettre à la France de prendre position en toute connaissance de cause sur l'évolution de l'Alliance.

Le consensus prévalait jusqu'alors sur la politique de défense et sur la position particulière de la France vis-à-vis de l'OTAN. Celui-ci constituait l'un des piliers de notre démocratie, il a d'ores et déjà volé en éclat. En France des voix se sont exprimées, de droite comme de gauche, et non des moindres, comme celles des anciens Premiers ministres, Alain Juppé, Dominique de Villepin, Lionel Jospin et Laurent Fabius. Je citerai M. Juppé, selon lequel « Un débat de fond est nécessaire sur un choix qui engage l'avenir du pays. » Il s'est aussi interrogé sur les bénéfices à retirer de ce changement de cap ; nous ne pensons pas autre chose. M. Jospin rappelle pour sa part que, sous son gouvernement, la France demeurée hors du commandement intégré a su relancer la défense européenne, a pu empêcher certaines frappes de l'OTAN trop lourdes pour les populations civiles au Kosovo, et se démarquer de l'Irak. Demain, nous doutons que cette marge de manoeuvre perdure.

Face à ces difficultés, le Président et le Gouvernement ont tenté de banaliser un choix qui posait des questions fondamentales, en le ramenant – voire en le rabaissant – au niveau d'une simple décision d'ordre technique. Aujourd'hui, il s'agirait, pour reprendre une expression du Président, d'une « simple pierre » dans un processus plus vaste, tellement vaste que les contours en restent particulièrement flous.

Nous en sommes arrivés au point où un double discours est tenu qui consiste à présenter la réintégration aux Français comme la conclusion presque banale d'un processus continu et, dans le même temps, à annoncer que la même réintégration marque un moment historique plein de promesses sur le plan international et européen. Mais qui peut comprendre cela ?

D'ailleurs, vous n'avez pas cherché à reconstruire un consensus, ni devant la représentation nationale, avec un débat digne de ce nom, ni devant les Français. En effet, ce qui compte pour le Président de la République, c'est d'entériner une décision déjà arrêtée et de respecter son propre agenda.

Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, faute d'avoir pu convaincre, votre gouvernement est contraint d'utiliser l'arme procédurale, dont chacun sait ici qu'elle n'est pas tant dirigée contre l'opposition que contre les voix discordantes de la majorité. Évidemment, vous refusez qu'un vote ait lieu au Sénat, car cela serait visiblement trop dangereux pour votre gouvernement.

De ce point de vue, le choix de la réintégration est déjà marqué par l'échec. Mais il s'agit aussi de l'échec de la construction de la défense européenne tant voulue par nous tous : elle reçoit ainsi un signal d'arrêt.

Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous accéderez à la demande de Laurent Fabius – partagée par l'orateur qui m'a précédée – qui souhaitait que chaque année soit présenté au Parlement un rapport circonstancié sur l'application de cette décision et les conséquences qu'elle aura, tant sur notre politique européenne de défense que sur l'engagement de nos forces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

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