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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat et vote sur la déclaration du gouvernement relative à la politique étrangère

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à peine le Congrès a-t-il adopté la réforme de notre Constitution, censée donner plus de pouvoir au Parlement, que vous vous empressez de la détourner, par crainte de vous retrouver en minorité dans votre propre camp. Ce qui se passe ici, cet après-midi, ressemble plus à une arnaque politique qu'à un débat sur le sujet de portée hautement symbolique qu'est le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.

C'est le choix d'un homme, le Président de la République, qui vous impose cette mascarade, monsieur le Premier ministre, et qui vous rabaisse au rang de « collaborateur » (Murmures de désapprobation sur les bancs du groupe NC), obligé d'exécuter les basses oeuvres et de trahir vos engagements devant le Congrès de Versailles, où vous nous aviez dit, la main sur le coeur : « Nous allons donner au Parlement un véritable pouvoir démocratique ». Tout cela, nous nous en rendons compte aujourd'hui, n'était que cynisme. La vérité apparaît brutale, humiliante pour la représentation nationale, prise au piège d'une manoeuvre vulgaire qui en dit long sur l'état de votre majorité mais qui ne trompe personne. La potion que vous voulez nous faire avaler risque d'être amère pour votre gouvernement.

Ceux qui, tout à l'heure, approuveront votre politique étrangère, accepteront non seulement le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN sous domination des États-Unis, mais aussi tout ce qui va avec, comme s'ils achetaient un lot de marchandises en vrac : la rupture avec la politique arabe de la France, le renforcement continu de l'intervention militaire en Afghanistan, la construction d'une base militaire dans les Émirats, sous-traitants de la politique américaine, la continuation de la Françafrique et le soutien aux dictateurs, l'abandon de ce qui n'a été qu'une posture de campagne électorale sur la question des droits de l'homme – souvenons-nous de l'accueil triomphal réservé au dictateur libyen, du soutien à Ben Ali, du cafouillage sur le Tibet et, notre collègue Laurent Fabius l'a rappelé, du honteux discours de Dakar. La liste est si longue qu'elle prendrait à elle seule tout le temps de parole qui nous a été accordé.

La cohérence entre le retour dans l'OTAN et cette politique, c'est tout simplement la mort symbolique du gaullisme. Pour ce qui concerne les Verts, nous sommes très à l'aise puisque, nés, entre autres, des luttes pour le désarmement et contre les programmes nucléaires civils et militaires, nous n'avons jamais participé à cette controverse franco-française sur la capacité réelle ou supposée de notre pays à sauvegarder les moyens de son indépendance.

Depuis les années 1980, nous sommes entrés dans l'ère de la mondialisation, où la France ne pèsera que si elle met son intelligence collective, sa culture, ses capacités économiques, financières, humaines et donc militaires, au service d'une ambition qui la dépasse et dont le seul niveau pertinent est l'Europe, une Europe politique, axe d'un monde multipolaire. Ainsi, sommes-nous d'autant plus fondés à considérer la défense européenne sous commandement de l'OTAN comme une dangereuse illusion, basée sur une sorte de troc diplomatique : la France reprend toute sa place au sein de l'OTAN, à condition qu'elle occupe des postes de responsabilité à la mesure de sa contribution militaire et que l'Alliance atlantique prenne davantage en compte le poids et l'influence de l'Union européenne. Sauf que le déséquilibre est si important que ce troc est mort-né. Ce qui creuse concrètement un fossé, ce sont les moyens militaires des États-Unis et ceux du reste du monde : ils représentent 45 % des dépenses mondiales, soit 596 milliards de dollars, contre 296 milliards de dollars pour l'Europe occidentale. À lui seul, le budget militaire des États-Unis cumule le total des budgets de vingt-trois pays !

Tant que l'Europe ne se décidera pas à prendre en main ses propres capacités de défense et son autonomie stratégique, elle ne sera qu'un nain politique dépendant des choix de l'administration américaine. Nos atlantistes ingénus – mais beaucoup ont quitté l'hémicycle – devraient se poser trois questions : quelle est aujourd'hui la légitimité de l'OTAN, quand cette organisation politico-militaire est née de la guerre froide et avait vocation à la mener ? Quel est aujourd'hui notre ennemi ? Qui peut identifier clairement les missions, les zones d'intervention et même les pays membres de l'Alliance atlantique ?

De ce point de vue, le Président de la République a une certaine cohérence : en prônant à outrance le rapprochement avec les Etats-Unis, et cela dès le début de son quinquennat, il est en train de donner un nouveau cours à la politique internationale française pour l'adapter à la mondialisation libérale. Il le fait, il l'a dit, au nom du « camp occidental » et d'une vision de la gouvernance mondiale, qui se réduirait à un G 8 éventuellement élargi, fonctionnant comme un directoire du monde, à côté de l'OMC conçue comme un ministère du commerce, du FMI qui serait le ministère des finances, de la Banque mondiale qui serait le ministère de l'économie et des politiques sociales, et de l'OTAN, doté des compétences des ministères de la défense et de l'intérieur. Ce système a sa logique, mais elle n'est pas la nôtre.

Face à cet unilatéralisme modernisé, nous opposons une conception d'un monde multipolaire, où les ensembles régionaux construisent entre eux des coopérations renforcées. Pour nous, l'ONU a encore un sens, elle doit devenir un Parlement contrôlant la gouvernance mondiale et donc l'usage de la force. Nous ne voulons pas d'un monde où les riches dominent les pauvres au moyen d'une puissance globale militaire et, disons-le mot, coloniale. L'ordre global que nous défendons est pluriel. Le retour dans le giron de l'OTAN, c'est l'exact contraire de cette vision.

Nicolas Sarkozy, Président de la République, a choisi le camp de l'occidentalisation du monde. Il se trompe et il fait prendre de gros risques à notre pays et à l'Europe.

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