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Intervention de Pascale Got

Réunion du 15 mai 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Got :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi trouve sûrement sa source dans une succession d'affaires contre des journalistes, que, franchement, on aurait préféré ne pas connaître dans notre démocratie.

Rappelez-vous les perquisitions aux sièges du Parisien, de L'Équipe, du Point, du Canard enchaîné – j'en oublie, et même des plus récentes.

Derrière la protection du secret des sources des journalistes, c'est en réalité le respect de la liberté d'information qui est concerné et mis à mal.

La France a d'ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour des poursuites qu'elle avait engagées contre des journalistes – pas plus tard qu'en juillet 2007 !

Oui, il était grand temps de se mettre en règle avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme !

Oui, il était grand temps d'inscrire comme principe le droit pour le journaliste à la protection du secret de ses sources ! Car, contrairement à nos voisins Belges, nous sommes, sur ce sujet, de très mauvais élèves. Et vous le savez pertinemment.

Devant cette situation, un projet de loi nous est aujourd'hui soumis. Sur le principe, on peut évidemment s'en satisfaire. Il faut effectivement légiférer sur ce sujet.

Malheureusement, mes chers collègues, si ce texte peut apparaître comme une avancée, celle-ci est à l'évidence très insuffisante. Je ne peux m'empêcher de craindre un texte plutôt opportuniste. Comme tout texte plutôt opportuniste, qui cherche à redorer hâtivement un blason, colmater brièvement des brèches, il reste, « au bout du bout », malgré les apparences, un texte assez flou, trop approximatif et très facilement contournable.

Je pense, madame la ministre, que, quitte à vous saisir du sujet – et c'est tout à votre honneur –, vous auriez pu être plus volontariste et nous soumettre un texte plus ambitieux, conforme à la demande légitime des journalistes. Au lieu de cela, notre démocratie se limite, avec ce projet de loi, au strict nécessaire, alors que la loi belge, je le répète, est beaucoup plus ambitieuse.

Vous auriez pu et dû aller beaucoup plus loin dans le respect et la protection de la liberté d'information, et surtout y aller sans une accumulation excessive d'ambiguïtés qui nous laisse douter de votre réelle volonté.

Le texte que vous nous soumettez comporte trop d'imprécisions significatives, trop de restrictions fâcheuses. Je citerai quelques exemples.

D'abord, une définition équivoque du journaliste protégé. La protection ne concerne que les journalistes professionnels tels que les définit le code du travail. Quelle protection existe pour les collaborateurs réguliers ou occasionnels du journaliste, les pigistes, les opérateurs de télécommunications eux aussi détenteurs d'informations sur la source des informations ?

Ensuite et surtout, madame la ministre, vous ne nous donnez aucune garantie – et c'est peut-être le plus grave – en ce qui concerne les incriminations de faux et d'usage de faux, ou de recel de violation du secret de l'instruction. Il suffirait d'une commission rogatoire invoquant ces infractions pour procéder à une saisie de documents, d'ordinateurs, etc. Les poursuites pour recel de violation du secret de l'instruction seront toujours susceptibles d'être menées contre les journalistes dans le cas des enquêtes judiciaires.

Enfin, en ce qui concerne les lieux protégés, la restriction au bureau et au domicile est insuffisante. Elle ne s'étend pas à tous les lieux où peuvent être stockées des informations, et l'on sait qu'ils sont particulièrement nombreux.

Le magistrat chargé de la protection des sources est aussi celui qui réclame pour son enquête les documents du journaliste. Le magistrat est en quelque sorte – je l'ai dit tout à l'heure – « juge et partie ».

Comment est-il possible, madame la ministre, que vous n'envisagiez pas la question du recours ?

Vous n'abordez pas non plus de façon assez claire la protection des sources du journaliste sur le Net. La fiabilité de ces « zones » n'est pas égale. Elle mérite une attention différente et toute particulière.

Pour ces raisons – et pour d'autres, qui ont déjà été évoquées –, ce texte est encore très loin de garantir une véritable efficacité au principe de la protection du secret des sources des journalistes.

Je crains qu'il n'organise davantage les modalités de son contournement. Je pense même que vous vous gardez la possibilité, pour les cas où vous le souhaiterez, de faire machine arrière.

Ce texte ne répond pas pleinement à toute la confidentialité sur l'origine des informations, c'est-à-dire une confidentialité sans exception et sans possibilité de contrainte. Si, d'aventure, il fallait prévoir de très rares exceptions, définissez-les clairement, ouvertement et encadrez-les strictement ! C'est la seule condition pour éviter toute approche arbitraire.

Madame la garde des sceaux, vous donnez aux syndicats de journalistes toutes les raisons de penser que ce texte, en demi-teintes, ne constitue pas une avancée suffisante pour leur profession.

Je le répète, vous laissez, judicieusement et judiciairement, les portes entrebâillées pour contourner, quand bon vous semblera, la protection du secret des sources.

Vous vous êtes privée, volontairement ou non, de la possibilité de faire de ce projet de loi un texte ambitieux, volontariste pour servir les enjeux démocratiques auxquels participent les journalistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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