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Intervention de Patrice Debray

Réunion du 15 mai 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Debray :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a souhaité que le Gouvernement travaille à la rédaction d'un projet de loi visant à assurer la protection du secret des sources des journalistes.

Lors du conseil des ministres du 12 mars 2008, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un texte en ce sens, déposé le jour même à l'Assemblée nationale, sous le n° 735, et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission des lois, saisie au fond, a nommé rapporteur notre collègue Étienne Blanc le 26 mars 2008. La commission a apporté au texte un certain nombre d'amendements. Il vous est proposé aujourd'hui en première lecture.

Il est évident que, dans toute société démocratique, les journalistes jouent un rôle primordial dans l'information de nos concitoyens. Il convient donc de protéger les sources d'information des professionnels de la presse.

La possibilité pour les journalistes de conserver le secret sur l'origine de leurs informations est indispensable pour que leurs sources ne se tarissent pas et pour garantir ainsi la liberté d'information reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme par son arrêt Goodwin du 27 mars 1996 et confirmée par la charte des droits fondamentaux signée à Nice le 18 décembre 2000, dont l'article 11 proclame la liberté d'expression et d'information.

Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans ingérence d'autorités publiques ni considération de frontières. Ensuite, la liberté des médias et leur pluralisme doivent être respectés. Toutefois, le droit français ne traduit le principe du secret des sources qu'à travers des dispositions éparses et indirectes, insuffisantes pour assurer une véritable protection que nous, législateurs, devons offrir aux journalistes.

Ainsi, le présent texte légalise le principe de la nécessaire protection du secret des sources et complète les garanties existantes en matière de procédure pénale afin de protéger ce secret. Il prévoit également les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire peut, à titre exceptionnel, obtenir des informations nécessaires à la conduite des enquêtes.

Les principales dispositions du projet se déclinent en trois articles, que je vais brièvement vous exposer.

L'article 1er assure la consécration législative du principe du secret des sources. Il complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par une disposition solennelle en établissant une nouvelle rédaction de l'article 2 de ce texte, qui précise désormais que « le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général ».

Le deuxième alinéa de cet article 2 précise les conditions en vertu desquelles il est permis de porter atteinte au secret des sources, à savoir « à titre exceptionnel » et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie. Il précise enfin qu'au cours d'une procédure pénale, l'origine d'une information journalistique ne peut être recherchée qu'à titre exceptionnel et si cela est justifié par la nature et la particulière gravité du crime ou du délit et par les nécessités des investigations.

Ainsi, en cas de poursuite pénale pour diffamation, pour établir la vérité ou la bonne foi, la production de pièces d'une procédure pénale couverte par le secret de l'enquête ou de l'instruction ne peut donner lieu à des poursuites pour recel. En outre, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une ouverture d'information, les éléments obtenus par réquisition judiciaire, à peine de nullité, ne doivent pas porter atteinte au secret des sources. Enfin, dans le cadre de l'instruction, les transcriptions des correspondances avec un journaliste, à peine de nullité là encore, ne doivent pas porter atteinte au secret des sources.

La consécration du secret des sources est donc encadrée de limites fondées sur le nécessaire équilibre entre la protection des sources et des nécessités impérieuses, telles que définies par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le sixième alinéa de l'article 1er du présent texte complète le nouvel article 2 de la loi de 1881. Il précise la mise en oeuvre du principe de protection des sources des journalistes en donnant, pour la première fois, une définition claire de leur métier : « Est considérée comme journaliste toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil et la diffusion d'informations au public. » Cette définition permet d'englober les directeurs de publication et n'exige pas du journaliste professionnel qu'il tire l'essentiel de ses ressources de son activité.

L'article 2 du projet concerne les procédures de perquisitions et précise les conditions dans lesquelles elles peuvent être autorisées, exigeant notamment la présence d'un magistrat. Le magistrat effectuant la perquisition devra veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte de façon disproportionnée au secret des sources au regard de la gravité et de la nature de l'infraction recherchée.

De fait, les garanties existantes en matière de perquisition dont bénéficient les cabinets d'avocats sont étendues aux entreprises de presse et aux domiciles des journalistes. Ces garanties permettent la saisine du juge des libertés et de la détention en cas de contestation de la régularité de la saisie effectuée et, notamment, en cas de violation du principe de proportionnalité au regard de la protection due au secret des sources.

Les locaux susceptibles d'être perquisitionnés ne sont plus limités à ceux des entreprises de presse, mais concernent également le domicile des journalistes ainsi que les véhicules professionnels.

Le journaliste pourra s'opposer à la saisie de documents susceptibles de permettre l'identification de ceux qui le renseignent et pourra demander au juge des libertés et de la détention de trancher.

La modification des articles relatifs à la perquisition aura également pour conséquence de renforcer la protection des journalistes en matière de réquisition. Ceux-ci pourront, comme c'est le cas actuellement pour les entreprises de presse, invoquer les articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale qui permettent à certaines personnes de refuser de remettre des documents à un officier de police judiciaire alors qu'elles en sont requises.

Enfin, la protection du secret des sources devra, même en l'absence de disposition particulière, être respectée dans la conduite de l'ensemble des actes d'enquête menés par l'autorité judiciaire, et notamment en ce qui concerne les interceptions des correspondances émises par la voie des télécommunications. De ce fait, toute écoute téléphonique visant à découvrir la source d'un journaliste dans une instruction ouverte sera illégale.

L'article 3, pour sa part, protège le secret des sources en cas d'audition d'un journaliste comme témoin. Actuellement, en vertu de l'article 109 du code de procédure pénale, le journaliste entendu en tant que témoin par un juge d'instruction ne peut être poursuivi s'il refuse de divulguer l'origine d'informations recueillies dans le cadre de son activité. Cette disposition est toutefois limitée puisqu'elle ne s'étend pas aux journalistes entendus comme témoins dans un cadre autre que celui de l'instruction.

Afin de remédier à cette omission, le présent projet de loi – et ceci est important – prévoit d'étendre cette protection en précisant qu'un journaliste entendu comme témoin devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises pourra également refuser de déposer en cas d'atteinte au secret de ses sources.

C'est déjà le cas pour les médecins – l'étant moi-même, je connais bien le problème. Désormais, ce sera également le cas pour les journalistes, tels que définis à l'article 2 de la loi sur la liberté de la presse.

Mes chers collègues, j'estime que ce texte est une avancée considérable, conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme,…

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