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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 27 novembre 2008 à 15h00
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Je commencerai mon intervention sur l'article 1er en partant de la brillante conclusion de Mme Guigou. Le premier vice de ce projet de loi, c'est en effet le sous-financement du service public – et c'est un euphémisme. En réalité, il s'agit d'une véritable exécution du service public au profit des chaînes privées, amies du Président de la République.

Depuis le début de la discussion, nous dénonçons une réforme de complaisance, menée à la va-vite. C'est à la surprise générale, souvenez-vous, que le Président de la République a annoncé le 8 janvier la fin de la publicité, comme un mauvais coup qu'il aurait voulu faire à une partie de la gauche qui en avait demandé la suppression. Sans aucune consultation, sans aucune évaluation de l'impact de la disparition de la publicité, voilà qu'en quelques mois on demande à une commission, qui porte le nom d'un de nos collègues, de préparer une grande réforme de l'audiovisuel public. La réflexion a démarré en janvier, nous sommes en novembre. Pas même un an s'est écoulé quand il en a fallu quatre à la BBC, qui est un exemple pour l'ensemble de l'Union européenne et au-delà, pour mettre en place, en 2007, le BBC Trust, grand service public de l'audiovisuel dont le périmètre a été défini après maintes discussions, y compris avec les téléspectateurs, et au terme de vingt-six séminaires gouvernementaux.

Aujourd'hui, la BBC est un grand service public de l'audiovisuel, dont le patron est protégé et ne risque pas les foudres du pouvoir si des émissions de fiction ou des documentaires déplaisent à ce dernier.

En Belgique, le service public fonctionne exactement de la même manière. Au cours de l'émission de fiction Bye Bye Belgium, présentée à vingt heures – heure de grande écoute –, on a fait croire à la population que la Belgique était éclatée en deux parties. Un problème politique s'est posé. Les présentateurs, animateurs et producteurs de cette émission se sont vu protéger et ils n'ont pas été renvoyés.

Dois-je rappeler ce que j'ai dit hier soir ? Sans doute, en la circonstance, n'est-il pas inutile de le répéter quand Mme la ministre de la culture et de la communication, quand le Gouvernement et ses supporteurs de la majorité nous expliquent qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir sur le financement de la télévision publique puisque 450 millions d'euros, qui seront demain 800 millions, sont inscrits dans la loi de finances et qu'il n'y aura donc pas de problème pour financer le service public. Aussi voudrais-je rappeler comment, en 1994, alors que M. Sarkozy était ministre du budget et M. Balladur Premier ministre, une émission ayant déplu au Premier ministre, lequel a été contraint de retirer un mauvais projet qui s'appelait le CIP – avant le CPE de M. de Villepin –, la rallonge de 120 millions de francs, prévue et inscrite dans la loi de finances pour le service public de l'audiovisuel, a été purement et simplement retirée. On ne peut donc pas croire en vos engagements.

L'article 1er crée l'entreprise unique. On pourrait penser que c'est très bien. Vous avez démantelé l'ORTF en 1974 et il serait grand temps de restaurer une entreprise unique. Mais quand on regarde dans le détail, on constate, comme l'a fort bien dit notre collègue Didier Mathus, que l'entreprise unique s'accompagne d'un guichet unique, c'est-à-dire d'une uniformisation, en fait de la disparition de ce qui fait la qualité du service public à travers la diversité de ses chaînes. C'est aussi la politique éditoriale qui est en cause, et je reviens ainsi aux trois véritables menaces que fait peser ce projet de loi, aux trois tares qui l'entachent : la dépendance politique, la dépendance économique et la dépendance éditoriale. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui certains originaux qui ne savent pas quoi inventer pour se faire remarquer dans la majorité, proposent la disparition du journal national de FR 3. Dans la mesure où le service public sera de plus en plus fragilisé – c'est déjà le cas –, nous trouverons toujours de bons esprits pour nous expliquer qu'il faut en réduire le périmètre et par exemple vendre à la découpe FR 3 à la presse quotidienne régionale, qui attend cela avec grande impatience, comme un rapace prêt à fondre sur sa proie.

Cet article 1er qui crée une entreprise unique à guichet unique démontre la volonté de casser encore un peu plus le service public en l'uniformisant, en niant sa diversité, en portant le plus grand préjudice à la création et aux émissions d'information. C'est tout à la fois une atteinte au pluralisme et une manière de saper un peu plus la démocratie, puisque, nous le savons, un grand service public de l'audiovisuel, c'est aussi un élément constitutif du débat démocratique.

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