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Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 1er avril 2008 à 21h30
Organismes génétiquement modifiés — Discussion générale

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie :

Nous ne visons pas la perfection, mais une certaine honnêteté. En matière d'OGM et de politiques publiques, en France comme dans d'autres pays européens, on a besoin d'honnêteté parce qu'il faut bien dire que les majorités successives ont fui leurs responsabilités : les premiers OGM ont été autorisés à l'époque où Ségolène Royal était ministre de l'environnement, en 1992 ; ils ont ensuite été interdits par un moratoire décidé par Corinne Lepage ; ils ont à nouveau été autorisés par Dominique Voynet, jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle avait commis une erreur et se ravise en établissant un nouveau moratoire, en 1999 ou en 2000. Je n'évoque pas cette succession de décisions pour stigmatiser l'une ou l'autre, mais pour rappeler qu'il y a eu de multiples revirements. Et s'il y en a eu autant, c'est que les choses n'étaient sans doute pas si claires.

J'ajoute, chacun devant prendre sa part, qu'elles ne l'étaient d'ailleurs pas davantage du côté du Parlement où plusieurs débats ont eu lieu, et où une mission d'information a présenté un rapport avec les conclusions duquel certains orateurs ont rappelé qu'eux-mêmes avaient pris leurs distances. À l'époque, j'étais députée, et cela avait été aussi mon cas. Certains ont jugé utile d'en appeler à moult reprises au principe de précaution. Or il se trouve que j'étais rapporteure de la Charte de l'environnement, le texte qui a introduit le principe de précaution dans la Constitution, et je me souviens bien précisément qu'une part importante de l'hémicycle avait alors choisi de ne pas la voter. Cette part importante était très nettement située du côté gauche de l'hémicycle, à quelques très notables exceptions près, que j'avais saluées à l'époque et que je salue à nouveau – même si les principaux intéressés ne sont pas là ce soir – car il est toujours difficile d'être contre son camp.

Il me semble que l'heure est à l'humilité parce que s'il y a eu autant de revirements, autant de difficultés à présenter un texte ou à prendre des décisions, cela doit tout de même bien vouloir dire que le sujet est compliqué. L'heure est à l'humilité pour chacun.

À l'humilité, et surtout pas à l'anathème. Certains orateurs se sont insurgés contre des tentatives de les enfermer dans des caricatures les renvoyant à de supposées compromissions. Je crois que leurs interventions étaient les bienvenues. Je ne voudrais pas, et vous non plus, que, par la suite, ce débat soit terni par de nouveaux échanges de ce genre. J'ai personnellement beaucoup travaillé sur les questions de santé environnementale : je sais à quel point – même s'ils ne sont pas les seuls – les journalistes cherchent toujours à voir derrière les positions des uns et des autres un lobby, un intérêt particulier ou une compromission désagréable. Il me semble qu'en ces matières, il faut refuser les procès d'intention et que nous sommes tous invités à la prudence.

Le texte est imparfait, disais-je. C'est vrai. Jean-Louis Borloo et moi-même ne cachons pas que nous n'aurions pas choisi tous les amendements qui ont été adoptés par les sénateurs. Je remercie au passage tous les députés qui, ce soir, ont jugé utile de préciser qu'ils préféraient notre texte initial.

Je salue le travail difficile de votre rapporteur. Si j'en suis passée par tous ces préliminaires, c'est pour rappeler à quel point le sujet est complexe, et combien l'histoire parlementaire et politique l'a montré. Je sais que sa position est délicate, mais Antoine Herth accomplit son travail avec beaucoup de coeur, dans la recherche de l'équilibre – ce qui n'est pas simple en l'occurrence.

À l'issue de l'examen du projet par le Sénat, plusieurs sujets restaient ouverts à la discussion. Cela apparaît très clairement dans les comptes rendus. Le texte vous appartient maintenant. Il est, de façon assez évidente pour certaines de ses dimensions, perfectible. Il a été modifié, mais de façon incomplète. On peut ne pas être d'accord avec certaines des logiques qui y ont été introduites. De toute façon, nous ne sommes pas encore allés au bout des logiques du projet. Le texte qui est aujourd'hui sur la table est manifestement incomplet. Les travaux qui commencent auront donc toute leur utilité.

Les participants au Grenelle de l'environnement ont pris durant trois mois leurs responsabilités en ce qui concerne les OGM. Je le répète, cela n'a pas toujours été facile dans un domaine où ils avaient plus, par le passé, l'habitude des polémiques que du dialogue constructif. C'est maintenant aux assemblées, dans les jours qui viennent à la vôtre, de prendre leurs responsabilités.

J'en viens à quelques remarques plus particulières concernant les interventions des différents orateurs.

J'ai dit que les anathèmes ne me semblaient pas utiles. Je ne suis pas sûre qu'il était indiqué de la part de François Brottes de faire référence à la Résistance, aux maquisards ou aux Tibétains – en particulier aux Tibétains, parce que je ne vois pas le rapport ! Non, monsieur Brottes, le texte n'est pas destiné à éviter tous les OGM. En revanche, il cherche à organiser la coexistence, et nous pourrons naturellement discuter de tous les amendements qui visent à mieux l'organiser.

Monsieur Chassaigne, je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Votre citation de Camus était très jolie. Bernanos dit un peu la même chose, comme quoi on doit pouvoir trouver dans un éventail assez vaste de la littérature des réflexions équivalentes. C'est à cette angoisse partagée par de nombreuses sensibilités que nous voulons répondre avec ce texte sur les OGM.

Vous posez plusieurs questions. Dans ce projet, la société civile aura-t-elle vraiment sa place ? Oui, plus qu'avant puisque dans les instances précédentes qui traitaient des OGM, comme la commission du génie génétique ou la commission du génie biomoléculaire, elle n'en avait pas. Elle aura sa place dans le Haut conseil des biotechnologies. Vous vous demandez si les plantes génétiquement modifiées sont absolument indispensables aujourd'hui dans notre pays et dans le monde. Peut-on vraiment l'affirmer ? Non, sans doute pas. D'ailleurs, compte tenu des nouveaux éléments qui nous semblent être apparus, le Président de la République a pris la décision d'activer la clause de sauvegarde sur le seul maïs OGM cultivé en France. Mais cela ne veut pas dire que les plantes génétiquement modifiées ne seront jamais intéressantes ou utiles, ni qu'il faut refermer la porte à cet égard. Le sens de ce texte est justement de ne fermer aucune porte.

En outre, vous avez soulevé le délicat problème du seuil d'étiquetage. C'est une des questions laissées en suspens par le Sénat. Plusieurs amendements déposés à ce sujet seront le support d'un débat certainement intéressant.

Enfin, vous posez la question de savoir s'il faut rejeter définitivement les OGM. Vous concluez que non, ce qui est, de mon point de vue, une invitation à ne pas rejeter définitivement ce texte non plus. (Sourires.)

François Sauvadet appelle à une recherche d'équilibre, ce qui me semble le trait caractéristique du projet de loi.

Marc Laffineur, quant à lui, a insisté sur la recherche. C'est le deuxième pilier, en matière d'OGM, issu du Grenelle de l'environnement. Je l'ai dit, 40 millions d'euros sont prévus pour relancer la recherche sur les biotechnologies. Celle-ci est en effet en panne pour toutes sortes de raisons, pas seulement financières.

Delphine Batho et Noël Mamère – ce dernier toutefois avec quelques excès de langage que je ne commenterai pas – ont tourné autour de la même thématique : le texte garantit-il la possibilité de maintenir une agriculture bio et des AOC de qualité ? Ils y ont répondu par la négative. J'ai envie de leur poser la question : qu'y avait-il avant ? Comme le moratoire avait été levé pour les raisons juridiques que l'on connaît, il n'y avait rien ou presque.

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