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Intervention de Chantal Robin-Rodrigo

Réunion du 1er avril 2008 à 21h30
Organismes génétiquement modifiés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Robin-Rodrigo :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, membre de la mission d'information sur les OGM en 2005, avec certains d'entre vous, j'avais à l'époque exprimé un certain nombre de réserves quant aux conclusions du rapport, ce qui m'avait conduite à m'abstenir. J'avais fait part de mon opposition à la culture et la commercialisation d'OGM tant qu'une évaluation de l'ensemble des essais en plein champ ne serait pas effectuée. Je souhaitais que cette évaluation soit rendue publique et donne lieu à un vrai débat qui permette ensuite au Gouvernement et au Parlement de prendre des décisions. Je maintiens aujourd'hui ma position, car rien ne permet objectivement de lever les doutes sur l'absence de risques avérés des OGM pour la santé et l'environnement.

La suspension de la mise en culture du maïs MON 810 démontre qu'en l'état actuel, les OGM présentent même des risques. La Haute autorité a relevé plusieurs faits scientifiques nouveaux : dissémination sur de très grandes distances, mais également effets toxiques avérés.

La cacophonie politique et scientifique qui a entouré le projet de loi ne permet pas d'aborder sereinement et dans toute sa complexité l'introduction des OGM avec toutes les interrogations qu'elle suscite.

Quelle agriculture voulons-nous ? Quels risques la société est-elle prête à accepter, tant sur le plan environnemental que sur le plan sanitaire ? Quelle place réserver à la recherche et la science dans notre société ? À supposer que les OGM présentent des avantages sur le plan économique, à qui bénéficieraient-ils réellement ? Quelle place accorder aux autres modes de production agricole ?

J'ajoute que les positions caricaturales adoptées par certains renvoient à l'opinion une image assez consternante du débat. La communauté scientifique, elle-même partagée, loin d'aboutir à un consensus, fait surtout l'aveu de son impuissance à évaluer dans des délais aussi courts les effets des OGM, faute des moyens et du soutien nécessaires, tout particulièrement à la recherche publique. La plupart des expérimentations en plein champ autorisées par le Gouvernement ont éludé la question de l'impact sur l'environnement ou la santé. C'est donc avant tout l'incertitude qui demeure, tant sur les risques avérés que sur les supposés avantages.

L'opinion publique, déjà échaudée par les crises sanitaires qu'elle a traversées, reste majoritairement hostile à la commercialisation des OGM. Les sondages indiquent que plus de 70 % des Français y sont défavorables : on ne peut balayer un tel chiffre d'un revers de main ni faire comme s'il n'existait pas. La défiance de l'opinion est un problème réel, qu'il faut prendre en compte. On observe d'ailleurs la même tendance chez nos voisins européens.

Le Grenelle de l'environnement a certes permis, et il faut le souligner, de prendre un certain nombre d'engagements concernant la responsabilité, le principe de précaution, la transparence de l'information, le libre choix de produire et de consommer ou non des OGM. Mais à quoi bon prendre de tels engagements si c'est pour les mettre sous le boisseau quelques mois plus tard, comme on dirait chez nous, en Bigorre ? C'est pourtant ce qu'on fait aujourd'hui.

Si le projet de loi, tel qu'amendé par le Sénat, permet de mettre notre législation en conformité avec la directive européenne, il ouvre grand la porte à l'extension des cultures génétiquement modifiées, au détriment des autres modes de production agricole.

Il organise en effet une hypothétique coexistence entre cultures OGM et cultures non-OGM, sur la base, non d'un seuil de présence fortuite, mais d'un seuil d'étiquetage de 0,9 %, au-delà duquel tout produit sera estampillé OGM, alors que la coexistence dans le même bassin de production de cultures OGM et non-OGM est techniquement et scientifiquement impossible.

Un tel choix est inacceptable parce qu'il voue à l'échec toute mise en place de filières sans trace d'OGM et signifie clairement un recul de l'agriculture biologique, la seule à exclure dans son cahier des charges l'usage des produits chimiques et des OGM. Il est pourtant dans notre intérêt et dans celui de notre agriculture de préserver les filières de qualité, qu'elles soient bio, labellisées ou certifiées. Rien ne permet dans le projet de loi de protéger l'agriculture conventionnelle ou l'agriculture biologique de la contamination génétique. C'est également vrai pour l'apiculture, dont l'activité est déjà menacée par l'usage des pesticides. De fait, en privilégiant le seul mode d'agriculture OGM, on mettra le consommateur dans l'incapacité de choisir de refuser toute présence d'OGM.

Ensuite, ce projet de loi organise un système de responsabilité qui limite la réparation du préjudice et qui revient à dénier le préjudice économique subi en deçà du seuil de 0,9 % d'OGM. On sait pourtant qu'en Allemagne la loi prévoit la réparation du préjudice pour des contaminations bien inférieures au seuil de 0,9 % dans le secteur de l'agriculture biologique.

On voit bien que les cultures OGM laissent peu de place aux autres productions, qui devront supporter au minimum et dans un premier temps des pertes de gain, un risque de déclassification de leur label, sans parler de la perte de clientèle et l'obligation de reconversion, avant leur mort annoncée.

Je ne crois pas que la question des OGM doive être laissée aux seuls scientifiques : c'est un enjeu qui nous concerne tous, associations, citoyens, élus, et demain nos enfants. Je crois que nous serions bien inspirés d'élargir notre réflexion et de voir ce qui se passe ailleurs.

Les expériences menées à l'étranger sur les cultures OGM inciteraient plutôt à la prudence et à un peu plus de modestie dans le calcul du rapport entre les risques et les avantages supposés des cultures d'OGM. Elles constituent même un sérieux bémol pour ceux qui voient dans les biotechnologies une culture respectueuse des hommes, de l'environnement et une solution à la faim dans le monde. En Inde, les paysans qui cultivent le coton BT ont dû s'endetter pour payer à Monsanto des semences qui leur coûtent quatre fois plus cher que les semences conventionnelles, et les petits planteurs sont plus pauvres que jamais.

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