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Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 1er avril 2008 à 21h30
Organismes génétiquement modifiés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel :

Madame la secrétaire d'État, la décision d'actionner la clause de sauvegarde afin d'interdire le maïs MON 810 de la firme Monsanto n'était qu'une mesure en trompe-l'oeil. Sinon, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de repousser le débat parlementaire sur les OGM après les élections municipales ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

N'oublions pas que, lorsque l'on parle d'OGM, il est certes question de science, mais d'abord d'agriculture, d'alimentation et d'environnement.

Le débat sur les OGM pose une question majeure pour notre pays : quelle agriculture voulons-nous ?

Votre projet de loi n'a qu'une finalité : introduire un droit à produire des OGM. Il n'assure aucunement la liberté de produire sans OGM. Comme cela a déjà été dit, c'est le renard OGM libre dans le poulailler bio.

Un éventuel élargissement de la mise sur le marché des OGM ne pourrait se faire qu'à certaines conditions : qu'on nous apporte la preuve que les OGM présentent des avantages certains pour l'intérêt général, qu'il n'y ait aucune crainte pour la santé humaine en vertu du principe constitutionnel de précaution, que la législation sur les OGM ne conduise jamais à la brevetabilité du vivant. Or ces conditions ne sont pas réunies.

Ce texte, c'est le cheval de Troie de ceux qui plaident pour une appropriation du vivant par les grandes firmes privées multinationales.

Les consommateurs français y sont très majoritairement hostiles : 86 % sont favorables à une interdiction totale ou temporaire d'OGM dans leur alimentation.

Que nous disent les textes européens ?

Le cadre réglementaire européen est fondé sur la liberté de choix des consommateurs et des producteurs. Comment assurer cette liberté lorsque les impacts en matière de dissémination et de contamination ne sont pas, en l'état actuel de la science, neutralisables ?

Or la directive européenne 200118, dans son article 26 bis, introduit l'obligation pour tous les États membres de mettre en place toutes les mesures nécessaires visant à éviter la contamination génétique et à garantir la pérennité de l'agriculture non OGM.

Cette directive européenne doit se traduire par des mesures de protection des structures agricoles afin de préserver la viabilité d'une agriculture et d'une alimentation sans OGM, et non par des dispositions de « coexistence ». Ce concept n'a d'autre sens que de libérer les pollueurs. C'est une drôle de conception du développement durable que de dire qu'il est possible de polluer si l'on paie !

L'Institut national de la recherche agronomique a réalisé plusieurs études dans le cadre du projet européen SIGMEA et a prouvé que la coexistence entre culture OGM et agriculture bio est impossible. Chaque député a été alerté par de nombreux agriculteurs, partout en France, tout comme je l'ai été dans ma circonscription aveyronnaise.

La région Midi-Pyrénées est aujourd'hui la région la plus labellisée de France : elle compte 107 signes et labels officiels de qualité. Les agriculteurs midi-pyrénéens sont les premiers au niveau national pour les signes de qualité et l'agriculture. Cela représente un gigantesque investissement humain et financier, des années, le plus souvent des dizaines d'années d'efforts. Les collectivités, et notamment la région, soutiennent l'émergence de ces filières. Ces agriculteurs ne veulent pas d'OGM sur leur territoire. Leurs modes de production garantissent réglementairement qu'il n'y en a pas dans leurs produits. Pourtant, vous acceptez, vous, qu'il y en ait à condition de ne pas dépasser le seuil de 0,9 %. C'est faire preuve de mépris à leur égard.

Que va-t-il rester si la confiance patiemment tissée par un travail acharné est mise à mal ? Si ce projet de loi était voté en l'état, il condamnerait à terme l'agriculture et l'alimentation française non-OGM. Que devient, dans ces conditions, le principe de précaution ?

Le Grenelle de l'environnement a révélé les grandes réticences des Français à admettre les cultures OGM, l'opposition au brevetage du vivant, qui n'est que le pillage par les intérêts privés de ressources génétiques qui constituent le patrimoine commun de l'humanité.

Nous devons soutenir le développement d'une recherche publique d'excellence, conduite dans la transparence, et d'une agriculture de qualité respectant les spécificités écologiques de nos territoires.

La démarche du Gouvernement n'intègre en rien ces préoccupations. Le projet de loi qui nous est soumis va faire replonger notre agriculture dans l'ère du soupçon, terrible maladie qui touche insidieusement les esprits et ranime les peurs les plus ravageuses.

Je le dis tel que je le ressens, élue d'une circonscription dont la terre, ingrate, ne rend que plus admirable le travail de nos agriculteurs : c'est une terrible responsabilité que de vouloir ignorer les enseignements de l'histoire, alors même qu'ils sont issus d'un passé récent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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