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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 3 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, Dominique Bussereau, Michel Barnier et Christine Boutin, de faire devant la représentation nationale un point sur ce qui est entré dans le langage commun comme le « Grenelle de l'environnement ».

Ce Grenelle, point de rencontre démocratique inédit, est l'enfant de la campagne présidentielle, au cours de laquelle l'environnement a été placé au coeur du débat. Le candidat Nicolas Sarkozy s'était engagé sur deux points : d'une part, doter notre pays d'un puissant ministère regroupant des fonctions jusqu'alors séparées – les infrastructures et l'écologie – afin de coordonner de manière stratégique l'action publique ; organiser, d'autre part, un grand débat avec l'ensemble des parties prenantes, partant de l'idée qu'un sujet aussi essentiel que l'environnement ne pouvait pas être l'apanage d'un ou deux acteurs mais bien de l'ensemble des acteurs de la société française.

Ce Grenelle a été lancé au mois de juillet, il a réuni cinq collèges, les entreprises, les organisations syndicales, les organisations non gouvernementales à vocation environnementale ou écologique, les collectivités territoriales et l'État, pour aborder l'ensemble des problématiques de santé, de biodiversité, de transformation climatique, de gouvernance et de production et d'emploi, concernées par la mise en place d'une nouvelle politique de l'environnement.

Cinquante-trois réunions ont eu lieu, des groupes de travail ont été formés, associant personnalités engagées, militants de toujours, responsables d'entreprise, syndicalistes, maires et présidents d'agglomération, qui ont pu débattre et mener des échanges approfondis, l'objectif n'étant pas d'arriver sur tout à des consensus mais d'essayer de déterminer les enjeux, les objectifs et quelques moyens, alternatifs le cas échéant, pour atteindre ces objectifs.

Mille pages de rapport sont à la disposition du Parlement et des Français, et plusieurs réunions auront lieu dans les territoires à compter du 5 octobre, la première étant organisée à Bourges, ville dont Serge Lepeltier est le maire. D'autres contributions encore nous permettront de définir, sur un sujet crucial, une véritable stratégie.

Des personnes d'une indéniable qualité se sont engagées avec force, acceptant de laisser au vestiaire quelques certitudes pour faire avancer les débats. La société française, quant à elle, a déjà tranché : un sondage récent, publié dans un grand quotidien, indiquait que 93 % des Français se disent déterminés à faire des efforts au quotidien en faveur de l'environnement. Ils savent en effet l'importance de ce sujet.

Ce changement d'attitude est une grande évolution. Car nos concitoyens ont compris que la lutte contre le réchauffement de la planète ou contre les pollutions ne se résumait pas à une série de déclarations d'intention, à un dialogue entre experts ou chefs d'État, à des lois ou traités internationaux, mais qu'il s'agissait d'abord d'un ensemble de décisions individuelles et collectives, de réflexes de la vie quotidienne. Ils ont compris qu'il y avait un lien entre leur façon d'être au quotidien, leurs actes d'achat et de consommation, et des phénomènes qui se constatent à grande échelle.

Il faut dire que certains signes ne trompent pas : notre environnement se dégrade, et chacun peut le constater de visu. Il y a bien sûr la banquise qui fond – guère plus loin de Paris que ne l'est Agadir, c'est-à-dire tout proche de nous –, le climat qui se dérègle comme cet été, où l'on a souffert d'une canicule au sud de l'Europe en même temps que d'inondations records au Royaume-Uni. 40 % des espèces vivantes sont menacées, et ce de plus en plus vite ; il y a les pollutions qui touchent notre vie quotidienne, les PCB, qui ont conduit récemment le Gouvernement à interdire la consommation des poissons d'une partie du Rhône ou le chlordécone aux Antilles.

Nous savons tous que l'ensemble de ces phénomènes a un lien avec l'activité de l'homme. Il y a donc très logiquement aujourd'hui une demande sociale pour l'action en faveur de l'environnement, et une prise de conscience individuelle des devoirs dont elle s'accompagne par nature. Les Français savent que la défense de leur qualité de vie et de celle des générations futures suppose que soient amplifiées dès à présent un certain nombre d'actions.

Qui se satisfait de la pollution des milieux naturels – l'eau que nous consommons ou l'air que nous respirons ? Qui se satisfait d'une production excessive de déchets ou encore de files de camions roulant au pas sur des autoroutes congestionnées, alors même que nos voies ferrées voient passer de moins en moins de marchandises sur des trains dédiés au fret ? Qui ne se soucie pas du gaspillage d'énergie dans les bâtiments, lequel explique une part non négligeable de la hausse des charges locatives et de la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre ? Qui ignore l'intérêt de préserver notre indépendance énergétique ? Personne. Les rapports issus des discussions du Grenelle ne disent pas autre chose : les constats de fond sont partagés, même si la façon de répondre aux problèmes ne fait pas toujours l'objet d'un consensus.

Voilà la raison pour laquelle je préfère à un discours inutilement pessimiste, voire moraliste, l'expression de convictions que chacun partage. Tout le monde est d'accord pour lutter contre les excès de l'étalement urbain ; tout le monde a envie d'avoir des fleuves propres, une eau et un air – intérieur et extérieur – de meilleure qualité ; tout le monde est d'accord pour que l'habitat, ancien comme neuf, consomme moins d'énergie – je rappelle que, dans notre pays, les bâtiments utilisent 42 % de notre énergie finale ; tout le monde est d'accord pour avoir moins de décharges, alors que l'on peut facilement trier et recycler les déchets ; tout le monde a envie que les transports en commun soient de meilleure qualité, mieux cadencés et plus confortables ; tout le monde a envie de voir moins de camions au pas sur les routes. En bref, tout le monde a compris que les ressources ou l'espace ne sont pas illimités et que, pour continuer à croître et conserver notre niveau de vie, il faut un changement de notre modèle de développement. Le développement durable, c'est cela. Ce n'est pas le laisser-faire, mais ce n'est certainement pas non plus l'idéologie de la restriction ou de la décroissance.

Reste maintenant à savoir comment nous allons transformer l'essai et convertir cette aspiration au changement de la société en actions publiques et privées. Le Grenelle de l'environnement doit précisément nous aider à définir les chantiers et programmes sur lesquels toute la collectivité doit concentrer ses efforts, efforts que le Parlement examinera, évaluera et modifiera.

Cette démarche de concertation la plus large possible avec les parties prenantes – qui se prolongera ces jours-ci par une consultation des Français sur Internet et des réunions de présentation des rapports des groupes dans une quinzaine de villes – était indispensable.

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