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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Conditions de libération des infirmières bulgares — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, mes chers collègues, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le rôle joué par la France dans la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus en Libye fait, comme nous l'avons constaté, l'objet d'un consensus entre la majorité et l'opposition. C'est une excellente nouvelle si l'on songe à toutes les commissions d'enquête mort-nées, dont certaines concernaient le nucléaire civil en France. Il est vrai que la gauche comme la droite n'ont jamais voulu dissiper l'opacité qui protège le complexe nucléaire français depuis sa création. Nous nous réjouissons donc de la création de cette commission d'enquête. Il faut maintenant une feuille de route permettant de faire toute la lumière sur cette affaire, c'est-à-dire sur le processus qui a conduit à la libération des prisonnières, sur le véritable contenu des accords ayant accompagné cette heureuse issue et sur les conséquences susceptibles d'en résulter.

Oui, il y a un sérieux doute quant à l'action et à l'intervention de la diplomatie française et des plus hautes autorités de l'État. Ce doute s'est insinué non seulement dans une partie de l'opinion française, mais également au niveau européen, dont les institutions ont pu avoir le sentiment d'être instrumentalisées au service exclusif de la Présidence de la République française.

La politique étrangère de la France n'est pas un jeu de télé-réalité ni l'occasion de faire des coups politico-médiatiques. Kadhafi est au pouvoir depuis 1969 ; ce n'est pas un enfant de choeur. Il n'a pas cédé ce qu'il faut malheureusement qualifier de « prise de guerre » par la seule magie de la « première dame » de France et du secrétaire général de l'Élysée. Il faut donc entendre tous les acteurs de cette affaire ; non seulement parce qu'il n'y a pas de zone de non-droit en France – pas plus à l'Élysée qu'ailleurs –, mais parce que la commission d'enquête doit pouvoir recevoir tous ceux qui détiennent des informations susceptibles de l'éclairer, notamment l'épouse du Président de la République, titulaire d'une mission officielle et qui, à ce titre, doit pouvoir en rendre compte dans les conditions de sérénité requises. Cela est d'autant plus important au moment où nous discutons de l'évolution de nos institutions. Il ne faut pas donner à nos concitoyens le sentiment que les contre-pouvoirs du Parlement ne seraient que des faux-semblants. Le Parlement, comme d'ailleurs la presse, n'a pas à se voir imposer la liste des personnes qu'il peut ou doit auditionner. Il n'est pas le vestibule de la chambre royale. Il est libre et souverain, parce qu'il détient ses pouvoirs de la légitimité de l'élection et non d'un monarque, fût-il républicain. Nous sommes donc en droit d'exiger l'audition de Mme Sarkozy et nous le ferons. Faire respecter la Constitution est notre premier devoir. Ce n'est pas à notre assemblée de définir un statut extraconstitutionnel pour Cécilia Sarkozy.

La deuxième question essentielle est le contrat portant sur le nucléaire civil. Au vu des informations contradictoires et tronquées qui ont été rendues publiques par diverses parties concernées, et des éléments d'investigation établis partiellement et progressivement par la presse internationale, il apparaît en effet que cette libération s'est opérée dans le cadre de négociations concernant une coopération nucléaire au profit du régime libyen. Le 31 juillet, devant la commission des affaires étrangères, vous nous disiez, monsieur le ministre, qu'il ne s'agissait que d'une hypothèse, ce qui est malheureusement révélateur de la manière dont on traite le Parlement. Cette affaire doit donc être tirée au clair.

Au-delà de la question de la transparence, nous devons réfléchir, d'une part, à notre politique de « deux poids, deux mesures » concernant le nucléaire et, d'autre part, à la relation entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. N'oublions pas que nous avons aidé l'Irak de Saddam Hussein dans les années 70, comme nous l'avions fait pour l'Iran du Shah. Les régimes changent, les États restent et, dans ces deux pays, nous avons bien vu que la technologie utilisée dans le nucléaire civil n'était pas étanche et pouvait être en partie utilisée dans le cadre du nucléaire militaire. Le nucléaire n'est pas une technologie neutre. Penser que nous pouvons maîtriser la chaîne tout entière est une grave illusion. Il faudra donc que la commission entende ceux qui, parmi les scientifiques, soulignent la perméabilité entre les deux aspects du nucléaire.

Dernier élément important, la question des ventes d'armes à la Libye. La France est un des premiers fournisseurs d'armes dans le monde. Que désormais la Libye soit considérée comme un client potentiel n'est donc pas très étonnant. Mais – et cela ne vaut pas seulement pour la Libye – cette politique doit pouvoir être interrogée dans ses fondements. On ne peut pas, d'un côté, demander l'intervention d'une force internationale au Darfour et, de l'autre, accepter que nos armes puissent – c'est une hypothèse, mais qui peut aujourd'hui l'exclure formellement ? – se tourner contre les populations, voire – pourquoi pas ? – contre nos propres soldats. La politique de Janus a des limites qui doivent pouvoir être également contrôlées par notre Assemblée, alors que l'on estime à près de 300 millions d'euros les contrats de fourniture de missiles Milan signés par le régime contesté du colonel Kadhafi avec le groupe EADS.

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