Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Cochet

Réunion du 16 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Article 17

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Je le regrette, c'est évidemment « en plein dans le sujet » mais c'est comme ça !

Comme M. Chassaigne et M. Dionis du Séjour en ont tout de même un peu parlé, je veux rappeler un argument essentiel pour moi pour justifier mon refus du nucléaire et le fait que la France, comme l'Europe, devrait en sortir. J'utiliserai un gros mot qui semble curieusement tabou dans cette assemblée : cet argument est un argument anthropologique.

Que faut-il pour qu'une société soit assurée de pouvoir faire du nucléaire ? On ne fait évidemment pas du nucléaire pour dix ou quinze ans. Quand on construit une centrale nucléaire, c'est pour un siècle, de la décision initiale jusqu'au démantèlement et je ne parle pas des déchets ! Ce n'est pas n'importe quoi, un réacteur nucléaire !

Il faut donc qu'une société qui se lance dans le nucléaire possède quatre qualités. Il faut, d'abord, qu'elle soit technologique, c'est-à-dire qu'elle dispose d'écoles d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers formés ; sans stigmatiser qui que ce soit, je dirai qu'on ne peut faire du nucléaire comme cela au Burkina Faso, qui n'a pas actuellement le niveau technologique requis.

Il faut, ensuite, que cette société soit démocratique. Le nucléaire est une énergie dangereuse qui nécessite l'existence de contre-pouvoirs. Aujourd'hui, par exemple, les comités locaux d'information et de suivi surveillent ce que font les exploitants de centrales.

En troisième lieu, il faut que cette société soit assurée d'un niveau suffisant de sécurité ; il n'y a pas si longtemps, on disait dans les manifestations, à juste titre : « société nucléaire, société policière » ; le nucléaire étant ontologiquement dangereux, il faut que tout le système soit un minimum sécurisé ; et je ne parle même pas du terrorisme !

Enfin, il faut que cette société soit stable ; il faut que vous puissiez parier que la France ou l'Europe ne connaîtra pas de chaos social ou de guerre dans les cent prochaines années.

Ce sont des exigences considérables. Pouvons-nous parier que nos sociétés européennes pourront y satisfaire ? Considérez ce qui s'est passé au cours du siècle écoulé : pour répondre par l'affirmative, il faut être d'une grande naïveté anthropologique, croire que l'homme est bon par nature et que tout le monde va gentiment se donner la main. Que se serait-il passé si nous avions eu le nucléaire en 1908 ? Nous ne serions peut-être pas là pour en parler !

Le nucléaire est donc un pari sur la bonté de l'humanité. Peut-être que les chrétiens y croient, mais ce n'est pas mon cas. Je pense que l'humanité est à la fois ange et démon, comme dirait peut-être Pascal. C'est aussi un pari qui ne tient pas devant l'histoire, avec ses guerres, ses conflits, ses chaos ; nous ne sommes pas sûrs de pouvoir garantir pour un siècle la technologie, la démocratie, le sécurité, la stabilité. C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de guerre en Europe pendant soixante ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion