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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 15 décembre 2008 à 16h00
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Article 21, amendements 361 362 363 364 365 717

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Nous nous sommes exprimés vendredi soir lors des interventions sur l'article 21, mais insuffisamment. Cet article est la meilleure preuve du fait que la compensation de 450 millions d'euros est actuellement loin d'être garantie et d'avoir force de loi.

Il est quelque peu paradoxal, madame la ministre, de vous voir ressusciter dans cet article la licence globale qui nous avait tant occupés il y a trois ans. En effet, en taxant les fournisseurs d'accès à Internet et les opérateurs de télécommunications, vous suggérez qu'il y a là matière à rémunération. Des chiffres impressionnants sont exhibés : 42 milliards d'euros de chiffres d'affaires, selon le rapport de Christian Kert, que l'on taxerait pour l'instant – nous verrons ce qu'il en sera un peu plus tard dans la discussion – à 0,9 % ; et voilà 360 à 380 millions très facilement trouvés. Comme pour la licence globale, cette démarche obéit à l'idée selon laquelle, pour employer une formule un peu commune, il faut aller chercher l'argent là où il est.

Mais voici ce qui nous gêne principalement. Tout d'abord, la ressource est inévitablement aléatoire. En effet, il s'agit d'une taxe, qui plus est versée au budget de l'État, et qui ne constitue donc pas une ressource affectée, à la différence de la redevance.

En outre, tout le monde se souvient de la bulle Internet, dont l'explosion, au début des années 2000, témoigne du fait que tout secteur économique, même aussi dynamique que les nouvelles technologies, peut montrer des signes d'essoufflement. De fait, la crise financière récente nous a prouvé que le modèle économique dominant au niveau mondial pouvait être très facilement fragilisé.

De plus, la démarche est anti-économique. Je renvoie sur ce point aux excellents propos de Gilles Carrez, rapporteur général du budget : le taux de 0,9 % du chiffre d'affaires, soit moins de 1 %, semble modeste, mais il correspond à 7 % du résultat. Des sommes importantes seront donc transférées.

Vers qui le seront-elles ? C'est là le second problème. Il eût été logique et, sans doute, prioritaire – je n'oublie pas que nous examinerons, en mars prochain, le projet de loi dit Création et Internet, ou encore Hadopi – d'affecter à la rémunération des droits d'auteur et des droits voisins le prélèvement sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès à Internet et des opérateurs de télécommunications. En effet, à l'ère d'Internet, à l'ère numérique, celles et ceux qui ont tant profité des contenus d'images et de sons pour développer leurs tuyaux pourraient être appelés à rémunérer ces droits, selon une démarche en quelque sorte redistributrice.

Aujourd'hui, les auteurs, les créateurs et les ayants droit ne peuvent qu'être inquiets : les opérateurs de télécommunications et les FAI passeront à la caisse une fois, mais pas deux. Or, les sommes collectées n'iront pas à la création, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. J'ai cru entendre Frédéric Lefebvre affirmer qu'elles iraient à un fonds de la création dont on ignore jusqu'à l'existence et que ce projet de loi ne prévoit pas d'instaurer. Il s'agit d'un énorme mensonge : les sommes collectées pour suppléer à l'absence de ressources publicitaires doivent d'abord assurer le fonctionnement quotidien de France Télévisions, ses frais fixes, les frais salariaux que représentent ses 11 000 salariés, et naturellement, pour partie, l'édition de programmes. Je tiens à dénoncer ce mensonge.

Enfin, si l'on voulait rémunérer la création, il eût fallu, sur un fondement constitutionnel plus solide que celui de l'article 21 dans sa rédaction actuelle, faire en sorte qu'Internet finance la création comme la télévision finance le cinéma depuis vingt-cinq ans, mais dans d'autres conditions que celles que propose l'article. Voilà pourquoi nous en demandons la suppression.

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