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Intervention de Marc Laffineur

Réunion du 12 mai 2009 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Laffineur :

Avec l'examen du texte adopté par la commission, nous pouvons redonner toute son intensité au débat politique dans l'hémicycle, en le recentrant sur les dispositions les plus essentielles du texte. Nul doute qu'une meilleure programmation de nos travaux concourra à cet objectif. Sur ce point, la proposition de résolution du président Accoyer décline de façon équilibrée les modalités de mise en oeuvre du temps législatif programmé.

Pour ce qui est de la compétence d'évaluation et de contrôle, la révision constitutionnelle l'a renforcé de manière déterminante. Ainsi, l'institution d'une semaine mensuelle réservée prioritairement à l'évaluation et au contrôle nous permet de communiquer très largement sur les activités de contrôle de l'Assemblée, sur ses rapports et recommandations, ainsi que sur les suites qui leurs sont données par le Gouvernement. De même, les moyens de l'Assemblée nationale en matière de contrôle vont être renforcés grâce à la création d'un comité d'évaluation et de contrôle, qui sera chargé de conduire, de sa propre initiative ou à la demande d'une commission, des évaluations sur des politiques publiques présentant une dimension transversale et dépassant les compétences d'une seule commission permanente.

Cette réforme du travail législatif, ce renforcement de notre mission de contrôle et d'évaluation doivent s'accomplir en donnant toute sa place à l'opposition. Cinquante ans après l'adoption de la Constitution de la Ve République, qui a apporté solidité et souplesse à nos institutions démocratiques, il est temps que nous abordions de front la question des droits de l'opposition.

C'est sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing que s'est posée la question de l'élaboration d'un statut de l'opposition, celle-ci devenant capable de « jouer son rôle et d'exercer ses responsabilités », selon les termes du message adressé le 30 mai 1974 au Parlement par le Président de la République.

Depuis lors, tandis que les institutions de la Ve République faisaient l'objet d'un consensus de plus en plus large, les droits de l'opposition au Parlement ont été progressivement renforcés. Toutefois, cela a d'abord été le résultat d'un processus empirique, par touches successives, plutôt que d'une démarche globale issue d'une réflexion approfondie sur le rôle de l'opposition dans une démocratie comme la nôtre.

M. Nicolas Sarkozy est le premier Président de la Ve République à avoir relancé le débat sur une forme d'institutionnalisation du rôle de l'opposition depuis trente ans. Donner un statut à l'opposition, c'est lui permettre, selon le chef de l'État, de « mieux remplir son rôle dans une démocratie apaisée, exemplaire et irréprochable ». C'est garantir « que le débat des idées politiques en France soit plus riche, plus vigoureux ». Parce que le Parlement est le lieu par excellence du débat démocratique entre majorité et opposition, c'est d'abord en son sein – nous en sommes tous convaincus – que les droits et les prérogatives de l'opposition doivent être confortés et renforcés. Le Président de la République l'avait d'ailleurs souligné dans son discours prononcé à Épinal, le 12 juillet 2007 : « Il faut envisager naturellement cette reconnaissance du rôle de l'opposition dans la perspective d'une revalorisation du Parlement ».

En effet, une opposition plus forte juridiquement concourrait à l'amélioration de la qualité et de l'image des débats parlementaires, le renforcement de ses droits d'expression augurant d'un moindre recours aux pratiques d'obstruction. En disposant de davantage de moyens au sein du Parlement, sa critique serait plus précise, plus constructive, au bénéfice de tous, en particulier de l'Assemblée elle-même, qui verrait son image revalorisée auprès de nos concitoyens.

En outre, le caractère éminemment politique du débat parlementaire, fondé sur les échanges quotidiens que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont avec les Français, permet d'enrichir les textes préparés par le Gouvernement et ses services, afin qu'ils répondent pleinement aux attentes de nos concitoyens.

La réforme institutionnelle bénéficie au Parlement dans son ensemble – majorité comme opposition – en réaffirmant et en précisant le rôle de chacun dans le travail parlementaire. En ce qui concerne le travail législatif, la réforme donne des pouvoirs supplémentaires très importants au Parlement : le partage de l'ordre du jour, l'examen en séance du texte adopté par la commission ou encore le vote de résolutions permettant à l'Assemblée d'exprimer une opinion sans mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Ces pouvoirs profiteront largement à la majorité, puisque c'est elle qui, disposant de la confiance de la majorité des électeurs en vertu du nombre et du fait majoritaire, dispose de la maîtrise de la conduite du processus législatif – même si la réforme aboutit à multiplier largement le nombre de séances d'initiative parlementaire au profit de l'opposition.

Chacun en convient, responsables de la majorité comme de l'opposition : le Gouvernement et la majorité doivent avoir les moyens de gouverner et disposer de la maîtrise du processus législatif, afin de pouvoir mettre en oeuvre les engagements pris devant les électeurs.

Au contraire, l'autre apport majeur de la réforme institutionnelle – le renforcement de la mission de contrôle du Parlement – doit largement profiter à l'opposition. En matière de contrôle, l'opposition n'est pas une simple minorité numérique : elle représente une garantie pour le citoyen que le Parlement joue pleinement son rôle. Aussi, est-ce dans le domaine du contrôle de l'action gouvernementale et de l'évaluation des politiques publiques qu'il apparaît indispensable de renforcer les droits et les prérogatives de l'opposition.

La proposition de résolution présentée par M. Accoyer comporte des avancées considérables en faveur des droits de l'opposition. Elle lui accorde des droits et des garanties aussi importantes que celles qui existent chez nos voisins européens, telles que l'inscription dans le règlement de l'Assemblée du principe de l'attribution à l'opposition de la présidence de la commission des finances, l'égalité du temps de parole entre majorité et opposition pour toutes les activités d'évaluation et de contrôle, comme c'est déjà le cas pour les questions d'actualité. En effet, cette égalité existait de 1974 à 1981. La majorité de 1981 l'avait supprimée ; nous la rétablissons.

Autres avancées du texte qui nous est soumis : le droit de tirage permettant aux groupes d'obtenir la création d'une commission d'enquête par session, la conduite des missions d'évaluation et des missions de suivi sur l'application des lois par deux co-rapporteurs, dont l'un est issu de l'opposition. Pour ce qui concerne les travaux du comité d'évaluation et de contrôle, chaque groupe – en particulier les groupes d'opposition minoritaires – pourra obtenir la réalisation d'évaluations sur les thèmes de son choix. Enfin, davantage de temps de parole – de l'ordre de 60 % contre 40 % – est accordé à l'opposition qu'à la majorité, dans le cadre de l'application du temps législatif programmé.

Ces dispositions renforceront l'efficacité du contrôle parlementaire, devenu, au fil du temps, la première mission des parlements modernes, alors qu'ils n'ont plus, bien souvent, la maîtrise pleine et entière du processus législatif. C'est ainsi, je le crois, que nous pourrons rehausser auprès de nos concitoyens la place et l'image de notre assemblée et de la vie démocratique de notre pays.

Je conclurai en invitant l'opposition à s'inscrire dans les pas de Léon Blum…

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